Le rassemblement départemental pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple s’est tenu ce matin à Rocles. Ont pris la parole, en présence des délégations de l’ARAC et de l’ANACR, Robert Bougerolles, maire de Rocle, Olivier Mathieu pour l’Association laïque des Amis de Pierre Brizon, Marie-Françoise Lacarin et Jean-Paul Dufrègne, conseillers départementaux, Jacques Lachaise pour la Libre Pensée, Jean-Noèl Dutheil pour l’Institut d’histoire de la CGT, M. Petelet, petit-fils d’un des martyrs de Vingré « fusillé pour l’exemple », et Vincent Présumey pour la FSU Allier dont voici l’intervention :
Amis, camarades, citoyens de l’Allier,
le mouvement pour exiger la réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple de la guerre de 1914-1918 monte : dans toute la France, ce 11 ou ce 12 novembre, les manifestations et rassemblements se sont multipliés.
Tout démocrate et tout républicain digne de ce nom, tout syndicaliste et tout militant ouvrier, de toute tendance, et je dirai même tout patriote pour qui la patrie n’est pas la guerre, mais constitue son attache au monde par laquelle il s’ouvre au monde et accueille les migrants et les réfugiés fuyant les guerres d’aujourd’hui, tous étaient, et sont, en droit d’espérer que cette réhabilitation soit gagnée avant que ne s’achèvent les quatre années centenaires de la grande boucherie.
En ce jour, le centenaire de 1916 est celui du moment où l’Europe épouvantée réalise qu’elle est en train de s’autodétruire.
C’est l’année de Verdun, ce honteux carnage de toute la jeunesse rurale de France et d’Allemagne, qui trop longtemps fut présenté dans nos manuels d’Histoire comme la victoire qu’il n’a jamais été.
En pleine bataille de Verdun, trois députés socialistes français, dont le député de l’Allier Pierre Brizon, se rendaient à la conférence internationaliste de Kienthal, en Suisse, dont Pierre Brizon rédigea le manifeste, magnifique texte en appelant aux « paysans qui semaient le blé rouge à travers les campagnes », et s’écriant : Peuples qu’on ruine et qu’on tue, debout contre la guerre. Et c’est suite à cela qu’en pleine bataille de Verdun les trois députés se mirent à voter contre les crédits de guerre à l’Assemblée nationale, preuve que quand on veut, on peut toujours.
1916 fut donc l’année de Verdun et de Kienthal, et du massacre génocidaire des Arméniens et des Assyriens commis par l’armée turco-ottomane, et de la première insurrection contre la guerre, le soulèvement national Irlandais de Pâques à Dublin, annonciateur des prochains orages, voyant l’impérialisme britannique assassiner James Connoly, Padraig Pearse et leurs camarades.
Chaque année centenaire qui passe commémore un centenaire un peu plus révolutionnaire que le précédent, la guerre engendrant son contraire, la révolution pour la paix, la révolution pour la vie, la révolution pour l’amour, la révolution pour l’humanité, mais l’engendrant après l’avoir empêché, et l’engendrant en le marquant du sceau de sa barbarie que nous payons encore.
Nous en sommes donc au centenaire de 1916, et la réhabilitation totale et collective de tous les fusillés pour l’exemple de 1914-1918 n’a toujours pas été faite par un gouvernement et une assemblée nationale qui auraient pu l’effectuer et qui sont maintenant en bout de course.
Répétons-le, la tache et le déshonneur qu’il s’agit d’effacer par cette réhabilitation ne sont pas ceux des fusillés. Leur honneur à eux est sauf : victimes ou justes combattants contre la guerre, l’union sacrée et leurs profiteurs, leur honneur devant l’histoire, devant la mémoire, et devant la morale, est totalement assuré.
La tache et le déshonneur dont il est question sont ceux qu’inflige l’Etat impérialiste français à la République, en répétant chaque année des cérémonies commémorant ses exploits guerriers tout en refusant cette réhabilitation collective, politique et juridique. Et c’est donc la République, la vraie, la République laïque, démocratique et sociale, celle qui veut l’union des peuples libres et souverains, que nous défendons par ce combat.
Imposer à l’Etat la réhabilitation totale des fusillés, de nos fusillés, avant que ne se terminent les années centenaires de 1914-1918, devient ainsi un objectif d’une actualité brûlante, car ce combat contre la guerre et contre l’union sacrée intervient dans un monde où, plus que jamais, malheureusement, les spectres de la guerre sont là, engendrés par le capitalisme comme la nuée engendre l’orage, ainsi que le disait le premier mort français de la grande boucherie, Jean Jaurès.
Depuis 2011, une insurrection populaire contre une dictature sanguinaire en Syrie, isolée et réprimée, a vu se développer contre elle les interventions de nombreuses puissances mondiales et régionales, dont la France, faisant de ce pays le terrain d’une compétition mondiale et sanguinaire pour la domination.
Depuis quelques mois, la fuite en avant du régime présidentiel turc se transformant en dictature ouverte et tentant de jouer avec différents parrains impérialistes, celui de Washington puis celui de Moscou, intervenant en Syrie contre les Kurdes, a démultiplié l’instabilité structurelle qui se généralise.
Depuis quelques jours, la très courte victoire, qui ne résulte pas d’un engouement populaire mais plutôt du dégoût général, d’un président au discours à la fois isolationniste et xénophobe aux Etats-Unis, acte le fait que l’instabilité, les jeux d’alliances, l’agressivité diplomatique et la course aux armements dominent toute la situation mondiale.
Les guerres dites hybrides, non déclarées, et les attaques terroristes contre les peuples, attaques totalement réactionnaires et n’ayant aucune justification « anti-impérialiste » d’aucune sorte, se multiplient. Ce 12 novembre est la veille du premier anniversaire du massacre commis contre le peuple cosmopolite du 11° arrondissement de Paris il y a un an, massacre qui a donné prétexte à l’instauration d’un état d’urgence qui fut tourné avant tout contre les manifestations sociales.
La crise du capitalisme conduit au retour de la menace de guerres entre puissances impérialistes, impliquant notamment Etats-Unis, Russie et Chine. Le spectre de la guerre impérialiste, la pire de toutes, celle qui porte toutes les autres, est de retour.
Notre bataille pour les fusillés pour l’exemple, contre la guerre et contre l’union sacrée, contre toutes les unions sacrées dans un camp ou dans l’autre, est au cœur du moment présent. Pour un avenir à nos enfants qui ne soit ni la guerre, ni la précarité, pour l’accueil de celles et de ceux, qui, d’ores et déjà, fuient la guerre, il nous faut une République qui soit celle de la réhabilitation totale de tous les fusillés pour l’exemple !
Ils ne veulent toujours pas les réhabiliter, ils s’engagent toujours plus avant dans la marche à l’état d’urgence et à la destruction des conquêtes sociales et démocratiques. Alors, s’il faut que chaque année centenaire commémore un centenaire un peu plus révolutionnaire que le précédent, un peu plus dressé contre la guerre et l’union sacrée, contre toutes les unions sacrées, rappelons à tout le monde que 2017 ne sera pas qu’une année d’élections présidentielles en France, mais sera aussi le centenaire de l’année 1917.
Guerre à la guerre ! A bas toutes les unions sacrées ! Réhabilitation immédiate, sans exceptions et sans hypocrisie, de tous les fusillés pour l’exemple de 14-18 !