Souvent, on se contente de dire : « On a gagné », ou si ce n’est pas le cas : « On est là et on continue ». Mais les collègues et les honnêtes citoyens qui lisent ce site ont droit à des détails, des nuances, des interprétations, que diable ! La FSU se déclare « confortée » par ces élections, ni plus, ni moins : il se trouve que c’est vrai. Montrons pourquoi, sans cacher les faiblesses à surmonter.

Analyse des résultats auvergnats.

La FSU passe ici de 2288 voix à 2324 (25,4%, 3 sièges au CSA) progressant donc légèrement en voix à l’inverse du phénomène national. L’UNSA ne recule pas non plus mais ne progresse pour ainsi dire pas, passant de 2900 voix en 2018 (en incluant les 116 voix du SNPTES qui est retourné depuis dans l’UNSA) à 2903 voix en 2022 (31,46%, 4 sièges). FO progresse légèrement (1892 voix, 20,5%, pour 1755 voix en 2018), mais passe de 3 sièges à 2 au profit de la CGT, qui progresse de 563 à 674 voix (7,3%). Le SNALC passe de 521 à 511 (5,54%), SUD de 550 à 492 (5,33%), le SGEN-CFDT de 438 à 436 (4,72%). La participation est de 9593 votants sur 19605 électeurs, soit 48,93%, 9 points de plus qu’au plan national, avec 367 blancs et nuls (3,82%, un peu moins que nationalement).

Dans cette académie, a FSU partait avec deux handicaps historiquement construits depuis deux décennies, qui spécifient cette académie à l’échelle nationale : une prépondérance du SE-UNSA dans le premier degré pesant sur tous les résultats académiques et une position de FO en Haute-Loire d’où elle rayonne comme étant son « bastion ».

Par départements, on a :

Puy-de-Dôme : UNSA 1744 voix (38,39% des exprimés, 5 sièges au « CSA de proximité » départemental prenant la suite du CTSD), FSU 1003 (22,08%, 3 sièges), FO 794 (17,48%, 2 sièges), CGT 316 (6,95%,), SUD 275 (6,05%), SNALC 241 (5,3%), SGEN 169 (3,72%). La participation est de 49,26% avec 2,74% de blancs et nuls.

Allier : UNSA 569 voix (30,23%, 3 sièges), FSU 485 (25,77%, 3 sièges), FO 186 (9,88%, 1 siège), CGT 185 (9,82%, 1 siège au détriment de l’UNSA), SGEN 163 (8,66%, 1 siège), SNALC 161 (8,55%, 1 siège), SUD 133 (7,06%). La participation est de 42,24% avec 4,8% de blancs et nuls.

Haute-Loire : FO 784 voix (51,85%, 6 sièges), FSU 323 voix (21,36%, 2 sièges), UNSA 225 (14,88%, 2 sièges), SNALC 60 (3,96%), CGT 53 (3,5%), SGEN 35 (2,31%), SUD 32 (2,11%). La participation est la plus forte, de 59,64% avec 3,01% de blancs et nuls.

Cantal : FSU 428 voix (47,55%, 4 sièges), UNSA 196 (21,77%, 2 sièges), CGT 92 (10,22%, 1 siège), FO 68 (7,55%, 1 siège), SUD 42 (4,66%), SNALC 41 (4,55%), SGEN 33 (3,66%). La participation est de 45,55% avec 5,44% de blancs et nuls.

Aux 4 départements s’ajoutent les personnels rectoraux : UNSA 169 voix (43,33%, 5 sièges), FSU 80 (20,51%, 2 sièges), FO 59 (14,35%, 2 sièges), SGEN 36 (9,2%, 1 siège), CGT 28 (7,17%), SUD 10 (2,56%), SNALC 8 (2,05%). La participation est de 58,55% avec 10,95% de blancs et nuls, le taux le plus élevé.

La différence UNSA/FSU se joue dans le premier degré, surtout sur le Puy-de-Dôme, comme l’indiquent les résultats des votes pour les CAPD des Professeurs d’école :

Puy-de-Dôme : SE-UNSA 1091 voix, FSU-SNUIPP 363, SNUDI-FO 351, SUD 89, SGEN 43, CGT 31.

Allier : SE-UNSA 316 voix, FSU-SNUIPP 145, SUD 75, SNUDI-FO 72, SGEN 69, SNALC 43 – première liste 1° degré du SNALC jamais vue à ma connaissance …, CGT 21.

Sur la Haute-Loire, le problème se pose par rapport à FO : SNUDI-FO 357 voix, FSU-SNUIPP 162, SE-UNSA 157.

Seul le Cantal s’inscrit dans une situation nationalement plus courante : FSU-SNUIPP 264 voix, SE-UNSA 120, CGT 25, FO 24, SUD 19.

On a donc une prépondérance notable du SE dans le 63, qui rayonne sur le 03 où le SNUIPP a été « cassé » en 2017 et a vu se reconstituer depuis une vraie équipe liée à la fédération, mais moulinoise, sans relais militants réels à Vichy et Montluçon (ils y travaillent !). Sur ces deux départements, le SNUIPP a besoin à la fois de l’appui et de l’insertion fédérales, et de professionnalisme « catégoriel » ou corporatif. Il a besoin de plus de ce que nous avons déjà, en somme. La question est évidemment la plus cruciale sur le Puy-de-Dôme dont le poids académique est considérable : les voix FSU rapportées aux voix UNSA à la CAPD y sont de 36%, et de 45,9% dans l’Allier.

Les rapports de force dans le second degré sont différents, dans notre académie, de ceux qui existent dans le premier degré. Ils sont dans le second degré plus proches des réalités nationales (y compris de celles qui peuvent exister ailleurs dans le premier degré, par exemple en région parisienne) et plus en échos avec les mobilisations interprofessionnelles, et le sont moins dans le premier degré, avant tout dans le 63 suivi dans une proportion moindre par le 03, outre l’enclavement « FO » du 43 qui confine parfois à l’isolement : c’est là une faiblesse pour les luttes des collègues du premier degré et pour la défense de l’école primaire publique et laïque, qui se traduit par l’occupation du terrain catégoriel et corporatif, voire laïque, par l’UNSA (63 suivi du 03) ou par FO (43).

La carte scolaire avec les suppressions de postes, tant dans le premier degré que dans le second degré, annoncées pour la rentrée 2023, pose immédiatement la question d’une action fédérale commune (et intersyndicale, et avec parents, élus, amis de de l’école publique …) dans le Puy-de-Dôme notamment, car la carte scolaire n’est pas une sujet réservé, mais une question sociale hautement publique qui concerne simultanément les écoles, les collèges, les lycées, et est en même temps une affaire politique globale touchant aux services publics, à l’aménagement du territoire, à la laïcité.

Dans le second degré, les chiffres de référence sont d’abord ceux de la CAPA regroupant les corps des certifiés, agrégés, PLP, profs d’EPS, CPE, Psy-EN, chaires supérieures, suite à la loi dite de « transformation de la Fonction publique ».

Pour l’analyse, les chiffres de cette CAPA second degré ont le double inconvénient de ne pas permettre de déclinaison départementale directe et de réunir en un total indifférencié les scores auparavant distincts du SNES-FSU, du SNEP-FSU et du SNUEP-FSU. La baisse de participation des professeurs d’EPS consécutive à la disparition de leur CAP propre (dans l’Allier : de 65% en 2018 à 52% en 2022), qui n’a pu qu’impacter le vote FSU puisque le SNEP-FSU est très majoritaire parmi eux (c’était le but du ministère !), et d’autre part l’absence d’une équipe de direction académique dans le SNUEP-FSU sur la majeure partie des 4 dernières années, conduisent à supposer vraisemblablement que la fort bonne tenue de la FSU ici incombe avant tout au SNES-FSU (y compris par ses retombées positives chez les PLP).

Les résultats sont donc : FSU 1184 voix, 34,94%, 7 sièges, FO 574 voix, 16,94%, 3 sièges, UNSA 496 voix, 14,64%, 3 sièges, SNALC 391 voix, 11,54%, 2 sièges, CGT 315 voix, 9,29%, 2 sièges, SGEN 211 voix, 6,51%, 1 siège, SUD 208 voix, 6,14%, 1 siège. La participation est de 49,52% avec 3% de blancs et nuls.

On peut, pour en dessiner la répartition départementale, déduire les voix des CAPD 1° degré du total CSA, ce qui ferait : Puy-de-Dôme 640 voix, Allier 424, Cantal 164, Haute-Loire 161, soit 1389 en tout, qui englobent probablement l’essentiel des 1184 voix à la CAPA second degré.

Les proportions entre départements doivent être proches de celles ainsi établies. Elles indiquent avec certitude que la FSU est en tête dans le second degré dans chaque département, sauf en Haute-Loire où la différence entre les voix FO au CSA et les voix FO à la CAPA second degré est de 427 voix, sans que l’on puisse différencier les voix des personnels enseignants des autres personnels.

A la CAPA infirmières/AS, nous progressons (FSU 65%, UNSA 25%, SUD 6,9%, FO 4,8%)), tant chez les infirmières que chez les AS où le SNUASFP-FSU s’est constitué dans notre académie (2 sièges sur 2, l’UNSA perdant son siège).

Les personnels précaires de l’Éducation nationale sont ceux qui votent le moins (alors que les chefs d’établissements sont ceux qui votent le plus !), et sont le moins aidés à voter. Cela reste vrai en 2022 malgré le fait que toutes les fédérations syndicales sans exceptions, même celles qui les ont longtemps ignorés, méprisés voire repoussés, ont entrepris depuis quelques années de s’y constituer des sortes de clientèles.

A la CCP AESH/AED, on a 869 votants,  sur 3144 inscrits, en nette hausse (317 sur 2456 en 2018), soit une participation de 27,63%. Tout le monde progresse en voix. FO fait 272 voix, 32,97%, 2 sièges, l’UNSA 167 voix, 20,24%, 1 siège, la CGT 128, 15,52%, 1 siège, la FSU 121, 14,67%, 1 siège, SUD 60, le SNALC 39, le SGEN 17. A l’évidence, les AESH ont plus voté que les AED. Les surinvestissements et surenchères de certains syndicats dans ces catégories n’ont guère payé et ceux-ci sont déçus, sauf dans le cas de FO chez les AESH. La FSU qui ne se distingue pas par son tapage progresse moins que d’autres, mais se maintient ; or, la durée et la continuité dans la défense des AESH passe par elle et cela va se sentir dans la CCP. Les cartes peuvent (et doivent !) être encore rebattues dans les 4 ans qui viennent !

A la CCP des contractuels de l’Éducation, on a 289 votants sur 1211 inscrits (157 sur 684 en 2018), soit une participation de 23,86%, avec 4,15% de blancs et nuls. La FSU est en tête avec 83 voix, 29,96%, 2 sièges, suivie de FO, 52 voix, 18,77%, 1 siège, de l’UNSA, 43 voix, 15,52%, 1 siège, de la CGT, 41 voix, 14,8%, du SNALC, 19 voix, 6,86%. C’est ici une progression significative pour la FSU. Attention : il y a à présent des contractuels premier degré, qui relèvent de cette CCP.

Pour conclure sur les résultats académiques EN de la FSU, on peut remarquer que c’est uniquement dans le cas de la FSU que le vote CSA est inférieur (de deux voix mais sans compter les chiffres de la CAPA Infirmières/AS que je n’ai pas) au total des votes CAPA second degré, CAPDs 1° degré et CCPs. Le vote CSA pour l’UNSA excède de 513 voix ce total, 150 pour FO, 113 pour la CGT, 77 pour le SNALC, 101 pour SUD (absent dans certaines CAPD), 113 pour le SGEN (idem) (il y a donc visiblement, au moins dans le cas de Solidaires et dans celui de la CFDT, un certain vote affinitaire idéologique qui dépasse leur implantation réelle). Ces différences sont accentuées, surtout pour l’UNSA, par leur présence chez les chefs (à la louche : dans les 350 voix !) et chez les administratifs, mais il reste que la FSU a une marge de progression/récupération parmi des votants aux CAP, qui votent pour ses syndicats nationaux et ne transposent pas ce vote au niveau des CSA académiques et, sans doute, ministériel aussi.

Remarques générales au plan national.

Les élections professionnelles dans la Fonction publique en France sont de ces évènements importants qui sont à peu près totalement absents des médias et semblent quasi clandestins, alors qu’ils concernent des centaines de milliers de salariés, dont la totalité des fonctionnaires et beaucoup de non titulaires, et à travers eux et l’enjeu des services publics, la totalité de la population et du pays.

Sous le premier quinquennat Macron, la loi Dussopt d’août 2019, dite de « transformation de la fonction publique », a modifié de manière décisive la représentation des corps, en fusionnant massivement ceux-ci dans des commissions administratives paritaires communes, en supprimant certains CAP nationales ne gardant que des régionales, et en altérant de façon non moins décisive le pouvoir des représentants élus des personnels, qui n’ont plus d’attributions directes concernant les carrières et les affectations, ce qui constitue une régression radicale vers une gestion bureaucratique et clientéliste que le statut de 1946 (et sa transposition dans la fonction publique territoriale par la loi Le Pors de 1983) avait stoppée. En outre, elle fait des CHSCT (Comités d’Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail) de simples sous-commissions des CSA (Comités Sociaux d’Administration).

Le vote informatique, instauré pour mettre fin au vote sur le lieu de travail, avec ses « prestataires » privés, ses complexités kafkaïennes et ses dysfonctionnements quasi obligatoires, et les nombreuses « négligences » des bureaucraties ministérielles, donne lieu à autant d’entreprises de dissuasion contre le vote. Le pompon a été atteint dans les DDI, les Directions Départementales Interministérielles : là ce sont les préfets sous l’égide du ministre de l’Intérieur Darmanin qui étaient en charge de l’organisation du vote, et ce fut la gabegie absolue, aboutissant à une annulation en dernière minute du vote électronique et à un vote par urnes en catastrophe.

A l’exception du secteur très particulier de la police – ici, 77% de participation et 49,45% des voix au « bloc » formé autour de l’officine factieuse Alliance, rallié notamment par l’UNSA -, l’intérêt du pouvoir était de minimiser la participation.

La participation totale passe de 49,8% en 2018 (où elle était pour la première fois passée sous les 50%) à 43,7% : de 50,8% à 44,9% dans la Fonction publique d’État, de 51,8% à 45,6% dans la Territoriale, de 44,2% à 37,8% dans l’Hospitalière. Cela fait 2 234 999 votants, avec 4,8% de bulletins blancs ou nuls.

Globalement il y a recul de la CGT de 21,9% à 20,8%, de la CFDT de 19% à 18,5%, de Solidaires de 6,3% à 5,7%, de la FA-FP de 3,5% à 3,1%, de la CFTC de 2,9% à 2,7%, et progression de FO de 18,1% à 18,7% – passant donc devant la CFDT-, de l’UNSA de 11,1% à 11,7%, de la FSU de 8,6% à 9,2%, de la CGC de 3,4% à 3,9%.

La répartition résultante en sièges dans les Conseils supérieurs des trois fonctions publiques marque bien les différences traditionnelles entre elles :

  • dans la Fonction publique d’Etat comme précédemment FO, la FSU et l’UNSA ont chacune 4 sièges, la CFDT et la CGT 3 chacune, Solidaires et la CGC 1 chacune ;
  • dans la Territoriale, la CGT a 7 sièges, la CFDT 5, FO 4, l’UNSA et la FA-FP 2 chacune, Solidaires perd son siège et la FSU en gagne 1 ;
  • dans l’Hospitalière (où la FSU est absente), la CGT reste à 7 sièges, FO qui a ici le plus progressé, de 24,7% à 26,6%, passe de 5 à 6 sièges, la CFDT reste à 5, Solidaires passe de 2 à 1, et l’UNSA en garde 1.

Il n’y a pas de bouleversement global mais l’effritement relatif et la déception par rapport aux ambitions affichées dans la CGT d’une part (où il s’ajoute au tassement dans le dernier scrutin SNCF), dans la CFDT d’autre part, ainsi que dans Solidaires, vont inévitablement poser des questions.

Le recul de la participation a quatre causes :

1°) le sabotage latent du vote via son informatisation, sa non-médiatisation, etc. : cette baisse était voulue par le pouvoir ;

2°) la « baisse de légitimité des organisations syndicales », comme disent médias et sociologues – nous dirons plutôt la distanciation entre les mouvements sociaux et revendicatifs réels et les directions syndicales, qui a franchi un seuil historique lors des Gilets jaunes en 2018-2019 et que le succès de la grève lancée par un collectif Facebook de contrôleurs SNCF vient encore de souligner ;

3°) un facteur oublié des analystes est la loi de « transformation de la fonction publique » qui a rendu le vote opaque à certains corps de métiers habitués jusque-là à voter pour « leur » syndicat dans « leur » CAP ;

4°) la précarisation croissante de la fonction publique avec le recours à des personnels non titulaires, peu habitués à voter aux élections professionnelles à la différence des fonctionnaires, et nullement aidés par leurs employeurs, bien entendu, comme par certains syndicats.

En fait, ces facteurs cumulés auraient pu entrainer une chute de la participation beaucoup plus importante que celle que l’on constate.

Il n’est pas question de nier l’importance du point n°2, notamment, dans l’énumération ci-dessus, mais il est également important de comprendre que ce scrutin fait ressortir la résistance du syndicalisme traditionnel de corps dans la Fonction publique. Les syndicats les plus menacés par la conjonction des quatre facteurs poussant à la non-participation et à la dislocation sont en effet les syndicats nationaux typiques de la Fonction publique en France, historiquement issus du syndicalisme confédéré d’avant le statut de 1946, mais avec de fortes spécificités (notamment la force de l’organisation en syndicats nationaux) : la plus grande partie des fédérations CGT et FO dans l’Hospitalière, la Territoriale ou la Fonction publique d’Etat hors enseignement public, la totalité de la FSU dans la Fonction publique d’Etat, et dans Solidaires les syndicats nationaux antérieurs à l’existence de Solidaires elle-même, comme le SNUI (Impôts) ainsi que des syndicats tels que le SNUPFEN (Office National des Forêts).

Les remarques générales qui précèdent conduisent donc à valoriser, non pas d’un point de vue de boutique ou interne, mais en regard des enjeux généraux concernant le syndicalisme, concernant la Fonction publique, et concernant le syndicalisme dans la Fonction publique, la bonne tenue relative de la FSU dans ce scrutin, qui s’est jouée surtout dans l’enseignement public (Education nationale, Enseignement agricole, Enseignement supérieur, Recherche, Jeunesse et Sports, Protection Judiciaire de la Jeunesse), avec une percée dans la Territoriale (SNUTER-FSU et, sur Paris, SUPAP-FSU récemment constitué).

Parce que l’existence même de ses syndicats cristallise la défense de corps de métiers nationaux, et qu’ils sont de fait des môles de résistance aux pratiques que voudrait imposer la «transformation de la Fonction publique » de Macron, d’une part, et parce qu’en même temps la FSU ne se perçoit pas et ne se présente pas comme un syndicalisme autonome, mais comme un syndicalisme ayant vocation tant à l’unité d’action qu’à l’unité organique de type confédéral, elle devient lors des élections professionnelles, et particulièrement dans celles-ci, une cible à abattre ou une structure à saper pour beaucoup de monde.

C’est à l’aune de ces faits que l’on peut dire, clairement, qu’elle a plutôt bien résisté.

Résultats globaux de la FSU.

A l’Éducation nationale, le taux de participation, qui avait remonté de 41,73% en 2014 à 42,64% en 2018, baisse à 39,8% en 2018. Les quatre facteurs énumérés ci-dessus expliquent cette baisse, mais dans le cas de la FSU la fusion des CAP, « floutant » les votes correspondant à plusieurs syndicats nationaux dans le second degré (à côté du SNES existent en effet le SNEP, qui note une baisse de la participation des profs d’EPS, et le SNUEP), la menaçait (et la visait !) tout particulièrement.

Elle passe de 143 743 voix, 34,91%, en 2018, à 137 580 voix, 34,05%, en 2022 ; autrement dit elle subit la baisse de la participation, mais dans une proportion moindre que celle-ci.

Le SNUIPP, qui n’avait pas la difficulté liée à la fusion des CAP de corps, avait toutefois eu 73 785 voix à la CAPN des profs d’école en 2018, supprimée depuis, et déclare un peu plus de 70 000 voix au total des votes pour les CAP départementales en 2022 ; il a donc reculé d’environ 3000 voix, les autres 3000 voix en moins (en gros) de la FSU concernant le second degré et les autres secteurs.

On notera l’excellent résultat des deux syndicats nationaux SNICS-FSU et SNUASFP-FSU (infirmières et assistantes sociales) aux nouvelles CAP communes à ces corps, totalisant 6730 voix sur 6923 votants avec 64% de participation.

Le recul en voix de l’UNSA est nettement plus prononcé que celui de la FSU, de 88 936 voix en 2018 à 78 289 en 2022 (19,37%). Recul aussi du SGEN-CFDT de 34 593 à 31 533 (7,8%), et progressions des syndicats ayant diversement affiché un profil « combatif » (sans rentrer dans le détail ici de leurs différences) : FO de 56 242 voix à 56 778 (14,05 %), CGT de 25 265 à 26 843 (6,64%), SNALC de 24 817 à 25 105 (6,21%), SUD de 19 601 à 20 553 (5,09%).

Les évolutions à l’Éducation nationale présentent donc des différences par rapport à celles de l’ensemble de la Fonction publique, la principale étant bien sûr la place même de la FSU, alors qu’UNSA et CFDT reculent et que les autres « petits » syndicats progressent tous légèrement : ces différences traduisent une hostilité montante des personnels de l’Education nationale à la politique gouvernementale (il y a de quoi !).

Dans l’enseignement supérieur, on a le pire taux de participation de la fonction publique, ce qui n’est pas un mince problème : 19,21 % (contre 30,5% en 2018) ! La FSU, principalement le SNESUP-FSU, fait une remontée de 13,1% à 17,7% et gagne un siège au CSA ministériel. Dans les instituts de recherche scientifique, la dispersion des informations ne permet guère pour l’instant de se faire une idée générale des résultats.

Dans l’Enseignement agricole, en 2018 le SNETAP-FSU faisait 46,59% des voix (5917 voix) avec une participation de 55,43%, au CTA de l’enseignement agricole public. En 2022 sous le nom de « l’Elan commun », il a avec le SNUITAM-FSU formé des listes communes avec la CGT (ici la CGT-Agri, qui n’est pas la CGT(Educac’tion) et Solidaires (SUD-Rural-Territoires, pas SUD-Education), qui, réunis en 2018, faisaient alors 11,64% des voix (1479 voix). En 2022 les listes l’Elan commun totalisent 6629 voix soit 37,73%. Le champ du CTA n’est pas le même et a été élargi à beaucoup d’administration ne relevant pas directement de l’enseignement : là encore la « transformation de la Fonction publique » a opéré, d’où la baisse de pourcentage (toujours à la première place), mais les 7396 voix du total FSU/CGT/SUD de 2018 ont eu des pertes. Toutefois, les dégâts du vote électronique ne sont pas étrangers à une baisse de 20% du taux de participation, ce qui relativise la comparaison.

A Jeunesse et Sports, un fait particulier (en plus du désordre organisé du vote électronique, etc.) s’est produit : l’ancien syndicat FSU de l’Éducation populaire, EPA, a fourni l’essentiel des candidats de la liste CGT, au nom du « syndicalisme d’industrie public-privé », opposant ses quelques dizaines de syndiqués au SNEP-FSU appuyé sur ses milliers d’adhérents … A l’arrivée, et sans que le gros des personnels aient suivi ces faits, la FSU maintient ses positions (12,11%, 291 voix, deux sièges, CGT 9%), dans un secteur hégémonisé par l’UNSA qui détient souvent les postes de direction (45,42%).

A la Protection Judiciaire de la Jeunesse, le SNPES-PJJ-FSU connait un recul de 39,9% à 29,14% au CSA de la PJJ, qui demande une analyse spécifique, comme le dit le syndicat.

La FSU est également présente aux ministères du Travail, des Affaires étrangères …

Hors du périmètre de la Fonction publique d’État (mais avec une présence dans l’enseignement public via les agents de lycées et collèges et les Atsem), dans la Fonction publique territoriale, la FSU décroche son siège au CSFPT avec 4,072% (32868 voix, 34 093 en 2018 mais l’abstention a progressé).

Conclusion.

Répétons-le : en dehors de tout triomphalisme, qui serait erroné et déplacé, la FSU était de toutes les organisations à la fois la plus menacée et celle qui a le mieux résisté. De ce point de vue, le terme « conforté » n’est pas une figure de style, mais correspond à la réalité.

C’est ce qui place la FSU en position, et en nécessité, de prendre l’initiative dans les secteurs où elle est représentative, pour les salaires, pour les retraites, pour la défense de l’enseignement professionnel public (appel au 17 janvier).

En outre, les débats et les éléments de crise liés au prochain congrès confédéral de la CGT (fin mars à Clermont-Ferrand), voient ses acteurs, sans que la FSU elle-même ait agi pour cela, se positionner en partie par rapport à elle et à la place qu’elle pourrait occuper dans un processus de réunification syndicale. C’est là un élément qu’il nous faut plus que jamais prendre en considération.

De ce point de vue, il n’est pas anecdotique du tout, il est au contraire hautement significatif et porteur d’avenir, que la première apparition unitaire significative de la FSU, avec la CGT et Solidaires, ait été la manifestation de solidarité avec le peuple ukrainien, sur le mot d’ordre de « Retrait des troupes russes de toute l’Ukraine », le 10 décembre dernier à Paris.

Vincent Présumey, le 19/12/22.