Environ 300 manifestants à Montluçon, près de 300 à Moulins, 250 à Vichy. Nous le savions : il fallait y être mais la journée du 16 s’annonçait faible, nous allons y revenir.
Dans ce contexte, saluons la jeunesse : une dizaine d’AED du lycée Albert Londres ont fait grève ce jour là, pour leur avenir, pour le code du travail.
L’un d’eux a été remplacé ce jour là au nom, selon le chef d’établissement par ailleurs responsable du SNPDEN-UNSA, de la « continuité du service public », de la « sécurité » et du « service minimum ». Quelques précisions s’imposent que ce chef ne peut pas ne pas connaître :
1°) il n’y a pas de « service minimum » dans les établissements publics d’enseignement du second degré.
2°) la « continuité du service public » ne saurait en aucun cas contredire le droit de grève inscrit dans la constitution. Donc un personnel gréviste n’a pas à être « remplacé ».
3°) dans les écoles primaires existe un « service minimum », instauré par Sarkozy et dont nous demandons l’abrogation, mais celui-ci ne se réfère pas à la « continuité du service public » mais à « l’accueil » des enfants.
4°) si la « sécurité » n’est pas assuré un chef de service n’a pas à l’assurer en affectant un personnel non gréviste à la place d’un gréviste mais en réduisant ou fermant le service concerné.
Ces précisions ne souffrent aucune contestation : il s’agit des textes en vigueur. Le choix politique de les bafouer est contraire à l’éthique et aux règles du services public.
La faiblesse de la journée du 16 novembre s’explique par le fait que les ordonnances ont été adoptées en conseil des ministres le 22 septembre, que les mots-d’ordre, plus clairs au niveau départemental, ne l’étaient pas au niveau national, et que les journées d’action successives fatiguent plus qu’elles ne mobilisent. Elle ne signifie pas que la masse des salariés soutient le gouvernement. Mais elle doit nous alerter en tant que syndicalistes.
Ce sera un des principaux sujets que nous discuteront lors du conseil départemental de la FSU de l’Allier, ce mercredi 22 novembre, à 15h 30 à Tronget. Les réunions du conseil départemental sont ouvertes aux syndiqués souhaitant y assister.
Pour contribuer à ce débat, nous publions ci-dessous l’intervention intersyndicale CGT/FO/FSU/Solidaires/UNEF/UNL faite à Vichy, Moulins et Montluçon jeudi :
Nous voici à nouveau réunis, le front syndical qui ne cède pas sur la défense des intérêts fondamentaux des salariés, actifs, chômeurs, retraités ou en formation, et qui donc combat pour le retrait des ordonnances Macron et l’abrogation de la loi El Khomri : CGT, FO, FSU, Solidaires, et les organisations de la jeunesse scolarisée UNEF et UNL.
Notre bloc unitaire est là et sera là tant que l’attaque générale voulue par le MEDEF et mise en oeuvre par un exécutif qui s’estime mandaté par lui, sera là.
Les ordonnances Macron comportent de nombreuses mesures inacceptables facilitant les licenciements, liquidant les Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, affaiblissant les prud’hommes … Toutes ces mesures inacceptables s’ordonnent autour d’un axe central qui constituait déjà le coeur de la loi El Khomri : l’inversion de la hiérarchie des normes dans le droit du travail, c’est-à-dire le fait que les accords d’entreprises pourront primer sur les accords de branche et sur le code du travail dans un sens défavorable aux salariés.
Pire encore : les ordonnances Macron prévoient la possibilité de licencier le salarié qui n’accepterait pas une révision de son contrat de travail consécutive à, ouvrez les guillemets, un « accord d’entreprise », fermez les guillemets, ayant révisé ce contrat à la baisse en ce qui concerne le salaire, et à la hausse en ce qui concerne le temps de travail !
C’est donc le contrat de travail lui-même qui ne serait plus fiable : l’on veut délibérément nous engager dans la société de l’insécurité généralisée, celle de M. Macron pour qui ceux qui ne sont « rien » doivent cesser de « foutre le bordel », et se contenter d’admirer les « premiers de cordée » du capital et du pouvoir !
Les ordonnances Macron sont conçues et pensées par le MEDEF et le gouvernement comme un bélier visant à enfoncer les droits sociaux de toutes et de tous, pour déclencher une marée de mesures détruisant nos droits.
Elles sont donc immédiatement suivies de mesures s’attaquant au droit aux études de la jeunesse en formation, et à la protection sociale qui, en France, depuis 1945, est fondée sur le salaire différé, c’est-à-dire sur la mise en commun d’une partie du salaire, que patronat et médias appellent faussement des « charges », pour le bien-être et la sauvegarde de toutes et de tous.
De même en effet, que patronat et gouvernement ne supportent pas un droit du travail qui, depuis l’existence des conventions collectives au début du XX° siècle, repose sur la supériorité des accords collectifs par rapport aux prérogatives de l’entreprise, de même ils ne supportent pas que, malgrés les atteintes et les dégradations, le baccalauréat soit en France le premier grade universitaire, et que les cotisations sociales financent l’essentiel de la protection sociale.
Contre le droit aux études, ils veulent donc rapidement instaurer la sélection à l’entrée des universités, sous la forme de contraintes à des années supplémentaires dites de mise à niveau. On renonce ainsi à redonner les moyens à l’enseignement public de préparer les futurs étudiants, tout en vouant ceux-ci à des études de plus en plus longues, c’est-à-dire en réalité aux petits boulots et à la précarité à perpétuité.
Contre la protection sociale basée sur le salaire différé, patronat et gouvernement veulent généraliser l’impôt qu’est la CSG de façon à ce que l’Etat contrôle entièrement les dépenses de santé et les réduise massivement.
A partir des ordonnances contre le droit du travail, des attaques contre le droit aux études, et de l’étatisation de la sécurité sociale, la destruction du statut des fonctionnaires, et la réduction des services publics, s’ajoutent au tableau. Ce qui fonde l’égalité des citoyens, ce sans quoi cette égalité est un mot creux : droit du travail, protection sociale, service public, doit être mis à bas. D’ores et déjà la baisse des salaires des fonctionnaires se met en place : suspension des quelques améliorations programmées, journée de carence, blocage du point d’indice salarial et projet de le faire éclater selon les secteurs.
Ainsi, la génération qui a aujourd’hui entre 15 et 25 ans se verrait octroyer des études sous conditions débouchant sur des emplois toujours précaires avec des contrats de travail réécrits au fur et à mesure par les patrons, avec pour seule perspective une retraite aux approches de 70 ans, et une espérance de vie appelée à se retourner à la baisse. Macron veut aussi faire de la retraite un droit non plus collectif, mais individuel, où chacun aurait droit à un calcul particulier en fonction de ses cotisations et de son espérance de vie, à la façon des assurances privées : nul doute que le plus grand nombre verrait ses retraites et pensions baisser !
La destruction des conquêtes sociales qui forment une véritable civilisation, celle du droit du travail, de la sécurité sociale et des services publics, conduit à une société destructurée, à la régression, à la barbarie sociale.
Remarquons toutefois à quel point le gouvernement est obligé de mentir et de parler une langue étrange.
La destruction du droit du travail serait une libération du travail !
La mise en place de barrières à l’entrée et de la canalisation obligatoire vers telle ou telle formation ne serait pas de la « sélection » selon le premier ministre !
Et, sommet de l’inversion du sens de mots, la réduction massive de la part différée et socialisée des salaires serait une hausse des salaires. Là, le but de la manoeuvre est de permettre des hausses temporaires et illusoires du salaire net, mais non pas du salaire brut, afin d’appliquer les ordonnances dans les semaines et les mois qui viennent, par des négociations forcées boite par boite visant à supprimer les primes existantes et baisser le montant total des salaires. Si le salarié voit en janvier sa feuille de paie augmenter au final en raison de la suppression d’allocations sociales, il pourrait ainsi ne pas s’apercevoir tout de suite de la baisse réelle de ce que le patron lui paie, mais alors il s’apercevra très vite de la hausse de la CSG. Il est en effet difficile de faire passer des baisses de salaire pour des hausses !
C’est pourtant ce que tente de faire le gouvernement, ce qui montre la fragilité de sa position.
Un gouvernement obligé de mentir sur le but réel de toutes les « transformations », de toutes les contre-réformes, qu’il opère, n’est pas un gouvernement démocratique.
D’ores et dejà, la résistance sociale et la mobilisation ont porté de sérieux coups aux ordonnances Macron dans certaines branches.
Dans les Transports routiers, l’accord signé par les fédérations de salariés avec les principales fédérations patronales, au grand mécontentement du gouvernement qui s’est montré plus patronal que les patrons, maintient la primauté de la branche en ce qui concerne les primes et les indemnités liées aux frais de route.
Dans les Ports et docks, la primauté des accords de branche a été à ce jour préservée.
Dans la branche Pétrole, la bataille se prépare pour que les primes d’ancienneté et les diverses autres primes relèvent toujours de la branche et pas de l’entreprise.
Dans ces branches, se sont déroulés ou se déroulent de vraies négociations, c’est-à-dire la confrontation d’intérêts contradictoires, prenant en compte un rapport de force. Les convocations aux grandes messes dites de « dialogue social » par le président ou le premier ministre, elles, ne sont pas des négociations. Pour Messieurs et Mesdames Macron, Gattaz, Philippe et Pénicault, les syndicats doivent mettre en oeuvre leurs décisions et ceci s’appellerait de la concertation et du dialogue. Une telle conception des relations sociales est fondamentalement anti-démocratique.
Nous constatons donc que le gouvernement est obligé de mentir sur ses intentions, même si ça se voit, et que le contenu des ordonnances Macron a déjà été ébréché dans certaines branches. Naturellement, ces premiers succès ne pourront être consolidés que par une bataille unitaire d’ensemble s’opposant à l’ensemble de la politique patronale et gouvernementale.
Le dernier débat parlementaire visant à la ratification des ordonnances Macron qui ont commencé à s’appliquer doit commencer le lundi 20 novembre. Il se dit ça et là et dans les médias que M. Macron a gagné puisqu’en septembre 2017 la révolution ne s’est pas produite en France, le pays n’a pas été à feu et à sang pour stopper sa politique. La réalité est plutôt que l’on a rarement vu un pouvoir politique aussi célébré et d’apparence toute puissante lors de son avènement, qui soit aussi décrédibilisé qu’il ne l’est aujourd’hui, à cause de cette politique. Et la réalité est aussi que pour ce pouvoir, notre unité syndicale devait prendre fin en septembre, et qu’elle a résisté. Nous sommes là, et nous serons là pour continuer.
L’objectif demeure : retrait des ordonnances Macron, abrogation de la loi El Khomri, défense et amélioration des droits, code du travail, sécurité sociale et services publics. Généraliser, unir, regrouper face au patronat et au gouvernement, telles sont les raisons de notre unité. Nous continuerons, dans les jours et semaines qui viennent.