Cela aussi, avec les mobilisations des retraités, des EHPAD, des villages pour leurs écoles, le frémissement des jeunes confrontés à Parcoursup, cela aussi est un signe de la recherche actuelle de discussion et d’action : une réunion intitulée « Non l’immigration n’est pas un fardeau » regroupe largement 150 personnes à Moulins, dans une salle comble qui souligne au passage le manque de salles adéquates pour d’importantes réunions publiques dans cette ville depuis la fermeture du Colisée.

Ainsi que ceci a été remarqué, c’était, certes, une assemblée assez « chenue » quant à son aspect capillaire et donc générationnel. Mais il faut dire que dans l’Allier ces têtes chenues sont une force : la force de milieux attachés aux droits fondamentaux, de sensibilités politiques, parfois religieuses, humanistes, diverses, qui sont décidés à protéger des gens s’il faut les protéger, qui l’ont fait et le feront.

La réunion était organisée par une quinzaine d’organisations dont RESF, la FSU, ATTAC. Marc Mézard, directeur de l’école normale supérieure (Ulm) a exposé de manière très pondérée ses positions en faveur d’un accueil humain de ceux qu’il propose d’appeler des « exilés », insistant sur l’atout économique et culturel qu’ils représentent si on les reçoit correctement.

La discussion s’est ensuite amplement développée, enrichie par les interventions d’exilés-migrants ayant obtenu leurs « papiers » et par les apports de trois maires de l’Allier, dans des communes qui ont accueilli ou accueillent des familles exilées, et s’en sentent d’autant mieux : Ygrande – confrontée aujourd’hui, rappelons-le, à une fermeture de classe avec Buxières -, Lalizolle et Noyant.

Ont été abordés, avec parfois des différences d’appréciations, les questions du rôle du capitalisme dans le « rejet de l’autre », des cabinets médicaux, du droit au travail, de la contribution des migrants aux retraites et de leurs « coût » éventuel, des contrats d’apprentissage, du brain drain (drainage des cerveaux) dans les pays d’émigration, du décalage entre les professions de foi humanistes de M. Macron et la politique de moins en moins humaine qu’il est en train d’accentuer, et souvent la dimension humaine, l’empathie et la chaleur des rencontres, apparaissaient dans les interventions.

Au début du débat, celui qui apparaissait comme le « chef » d’un escadron de taciturnes trentenaires alignés le long du mur à droite de la tribune – en fait un groupe politique au complet : les anciens du Front national-jeunes devenus « Patriotes » tendance Philippot après un passage par « Debout la France » et aux toutes dernières nouvelles en train de revenir aux « Jeunesses » du FN – fit une intervention attendue avec quelque curiosité, ayant en somme eu le courage de venir. Intervention finalement très faible (l’intéressé annonce sur sa page Facebook qu’elle va être publiée !) : « d’où vient l’argent » du « business de l’immigration » représenté par l’intervenant Marc Mézard, alors qu’il y a des chômeurs en France, hein, braves gens, « d’où vient l’argent » de ce lobby ?

Ne boudons pas notre plaisir : cette intervention, qui se voulait frontale, a été accueillie par le débat contradictoire, qui s’est ensuite amplement poursuivi après le départ des intéressés, sans doute pas très à l’aise.

Le représentant de la FSU, notamment, s’est fait un plaisir de répondre à cette interpellation finalement bien peu affutée : la défense des salariés par les syndicats englobe celle des plus faibles que sont précisément les exilés, et la lutte pour les droits humains fondamentaux est nécessaire aux droits de tous. Droit d’asile, droit au travail, et hausse des salaires pour tous, voila notre affaire commune ; quand au lobby immigrationniste, il était appelé voici 70 ans la « finance cosmopolite juive » et il constitue le fantasme structurel de l’axe de la pire réaction européenne, de Vladimir Poutine à Marine Le Pen.

Il est de plus en plus question de « tarir le flux migratoire » alors même que ce flux, à cause de la misère, de la guerre et du climat, va croissant : donc les exilés et réfugiés seront là, de plus en plus, et le soi-disant tarissement ne sert qu’à les priver de droits et ainsi affaiblir les droits de toutes et de tous. La défense des salaires et des droits passe en 2018 par l’accueil des migrants. Ce sont ceux qui prétendent que l’immigration « économique » doit cesser (et ils sont loin de se réduire à notre quarteron de ténébreux trentenaires !) qui, par la discrimination qu’ils induisent, poussent les salaires à la baisse.

La défense des droits humains fondamentaux, dont le droit d’asile, est donc une tache syndicale. C’est aussi pour cela que nous manifesterons jeudi 22 mars, à 14h 30 à Moulins.

Prochaine réunion dans le cadre des états généraux des migrations : aux Ozières, à Yzeure, lundi 26 mars à 20h.