Aux obsèques d’Henri, ce mardi 4 juin, discours de Noël Champomier pour la FSU, du SNES-FSU, de ses anciens collègues du lycée Paul Constans et des retraités FSU,
J’ai connu Henri Bruhat en 1971 lorsque ma première nomination m’a amené à enseigner
au lycée Paul Constans que les montluçonnais appelaient encore l’ENET. Il était à l’époque
secrétaire de la section syndicale SNES du lycée et, 20 ans plus tard, j’ai été amené à le
remplacer à cette fonction lorsque dans les années 1990, il a pris sa retraite. C’est à ce titre
que le SNES-FSU m’a demandé de dire quelques mots.
Ce qui m’a étonné lorsque j’ai connu Henri, c’est le contraste qui existait entre son rôle
moteur dans le combat syndical, rôle qui l’amenait à prendre la parole, à dynamiser une
section forte d’une centaine d’adhérents (il était heureux de dire que c’était la plus
importante, en nombre, de l’académie) et une discrétion qui confinait à la timidité. Henri
n’était ni un tribun, nous en avons connu au lycée Paul Constans, je pense en particulier à
Jean Aigoin ; encore moins un orateur né. Il n’était pas de ceux qui savent galvaniser les
auditoires, humilier les adversaires par la puissance de la parole. J’ai toujours pensé que sa
timidité, sa modestie l’auraient naturellement poussé à rester dans l’ombre. Il était
certainement beaucoup plus à l’aise en enseignant l’électronique à ses futurs techniciens
supérieurs qu’en prenant la parole dans une assemblée générale ou sur le perron de la
sous-préfecture.
Mais voilà, Henri avait foi en certaines idées, il ne pouvait supporter que le
monde dans lequel il vivait ne respecte pas les valeurs qui étaient imprimées en lui, du fait
de son éducation peut-être, de sa culture politique certainement. C’est ce qui l’avait conduit à
s’engager dans le combat syndical dès ses études à l’ENSET et à continuer ce combat
lorsqu’il a été nommé professeur à Egletons, puis à l’ENET de Montluçon. Il n’avait rien du
syndicaliste psychorigide et intolérant tel que certains films l’ont caricaturé. Il avait à cœur de
comprendre les situations, de se mettre à la place des collègues, ses convictions étaient
portées par une grande humanité et c’est l’humain qui prévalait toujours dans ses prises de
position. Je l’ai vu défendre des collègues non syndiqués ou qui se syndiquaient
provisoirement juste parce qu’un problème urgent avec l’administration les y conduisait. Il
faisait toujours l’effort de comprendre les difficultés, les problèmes des autres.
Cependant, mais ce n’est pas antinomique, il était un homme de convictions. Il avait une conscience
nette du fait que si on laissait se dégrader les conditions de travail et la rémunération des
enseignants, ils perdraient peu à peu l’image qui était la leur dans la société et que cela
conduirait à la crise de recrutement que l’on connaît actuellement et plus généralement à
une dégradation du système éducatif public auquel il tenait par-dessus tout.
Tout cela était sous tendu par une vision de la société qui s’exprimait dans des convictions politiques
solides, une foi en l’homme, une confiance dans une amélioration possible de la société vers
plus de justice, plus de fraternité, l’émergence d’un monde dans lequel l’argent ne serait plus
la pierre de touche de toute valeur. D’un monde de paix qui semble aujourd’hui bien loin. Il
croyait, comme Aragon, comme Eluard et quelques autres à un bonheur possible sur terre,
au respect de l’humain de sa richesse et de sa fragilité. Henry Bruhat est de ces hommes
auxquels on peut penser lorsque l’image que donne le monde tendrait à nous décourager.
Sa disponibilité, sa gentillesse, son dévouement son engagement restent dans nos esprits.
Je me souviens aussi et enfin du poème d’amour qu’il avait composé et dit lors des
obsèques de Michelle, sa « Minouche ». Qu’ils dorment ensemble pour l’éternité, ils sont
vivants dans nos mémoires.