M. le préfet de l’Allier, Christophe Noël du Peyrat, a développé, dans le cadre d’un entretien à La Montagne mercredi 1° octobre, toute une orientation sur l’école. La FSU-SNUIPP 03, et la FSU Allier, estiment important d’analyser ces positions et d’y réagir, cela d’autant plus que la précédente préfète, Pascale Trimbach, avait, sans conséquences concrètes il est vrai, distingué son discours quant à la méthode vis-à-vis de l’Education nationale, et surtout que trois décrets parus au JO le 30 juillet dernier, puis une circulaire du premier ministre Bayrou le 5 septembre – son dernier legs en fait ! – ont donné aux préfets le pouvoir de modifier la carte scolaire.

Voici les propos de M. Noël du Peyrat tels que les rapporte La Montagne :

« La carte scolaire n’a pas échappé à une règle qui se reproduit d’années en années. Une nouvelle fois caractérisée par des fermetures de classes, plus spécialement en milieu rural, la carte scolaire a provoqué une virulente levée de boucliers du monde éducatif bourbonnais et d’élus locaux. Cette puissante vague d’inquiétude et de mécontentement n’a évidemment pas échappé au préfet : « L’école, on l’a vu encore cette année, a fait réagir dans nos campagnes. »

Conscient de ces oppositions, Christophe Noël du Peyrat affiche néanmoins une profonde conviction : « L’école montre une organisation qui doit être revue. Elle a correspondu sans doute à un système qui fonctionnait bien dans le passé. Mais l’école publique du XXI° siècle, on ne la construira pas avec les outils du XIX° ou du XX° siècle, ce n’est pas un service à rendre au service public et aux enfants. Le premier message que je passe aux maires, c’est que nous parlons là du service public de l’Education et pas de celui de l’aménagement du territoire. L’Education y contribue mais ce n’est pas la porte d’entrée. Le rôle de ce service public de l’Education, c’est de voir comment l’école est organisée pour que la pédagogie soit la mieux faite possible en zone rurale pour nos enfants. Et la proximité en zone rurale dans l’Allier, en 2025, ce n’est pas la même réponse qu’en 1960. »

Christophe Noël du Peyrat estime qu’il est nécessaire de travailler sur des « pôles de proximité renforcés, moins fragiles que le système actuel, qui est non seulement fragile mais qui coûte cher car il est très dispersé. » Comment le préfet envisage-t-il ces pôles de proximité renforcés ? Il affirme qu’il n’y aura pas une « règle uniforme », en expliquant que « les réponses doivent être construites localement. Ce sont d’abord les maires qui doivent en discuter entre eux, avec les inspecteurs de l’Education nationale du secteur. »

Mais il exprime tout de même le fond de sa pensée, en esquissant une orientation générale : « Une commune qui permet de scolariser les enfants de deux, trois ou quatre autres communes. Dans l’Allier, on a beaucoup de RPI dispersés, on en a même beaucoup plus qu’ailleurs. Le RPI, c’est un regroupement pédagogique … mais il est dispersé. Il y a une contradiction dans les termes. Dans d’autres départements, il y a des RPI concentrés où quatre communes se mettent d’accord pour qu’il y ait trois ou quatre classes dans une seule commune. Mais tout ça va prendre du temps, ça ne vas pas se faire en un an d’un coup de baguette magique. »

A chaque paragraphe son idée phare : réagissons donc à chacune d’elle.

Premier point : la carte scolaire serait un problème « dans nos campagnes ». Halte là : dans nos villes aussi, et c’est le même problème !

Au tarissement organisé des petites écoles rurales, symbolisé par la volonté délibérée de priver l’école d’Autry-Issards, exemplaire, de postes d’enseignants, répond la liquidation progressive et bien engagée des écoles de quartiers au profit de méga-écoles d’aires géographiques urbaines, plus grandes que bien des collèges ruraux, avec une perte de bien-être et des difficultés éducatives accrues.

La principale différence est que dans les villes (Montluçon, Moulins, Cusset, Vichy) les maires ne sont PAS des défenseurs de leurs écoles et, pour faire des économies d’échelle et d’entretien, poussent aux regroupements et cautionnent, voire encouragent, les suppressions de postes, à la différence de la plupart des maires ruraux et de plusieurs petites villes.

Pour la FSU-SNUIPP 03 et la FSU 03, la « ruralité » c’est l’ensemble du département, et le budget est le même : il faut lutter pour la réouverture d’Autry-Issards comme pour l’attribution de moyens de Vie scolaire à la plus grande école du département, Léonard de Vinci à Moulins, à 20 km l’une de l’autre.

Second point : l’organisation actuelle serait obsolète et il faudrait la revoir, avant tout pour des raisons « pédagogiques », nous dit M. le préfet, qui ne veut pas confondre éducation et aménagement du territoire. Citons pourtant ce que dit la toute récente circulaire Bayrou du 5 septembre sur le rôle des préfets :

« Si le préfet n’a pas vocation à traiter de la fiscalité, de l’action pédagogique ou de la gestion des hôpitaux, il a toute légitimité en matière d’organisation spatiale des services, afin de faire valoir un aménagement du territoire cohérent et équilibré. »

La « porte d’entrée » du préfet est bien l’aménagement du territoire. La pédagogie a ici bon dos, et nous reconnaissons bien là un discours propre aux DASEN selon lequel les petites écoles sont mauvaises pour la formation des élèves. Ce qu’aucune étude sérieuse ne montre : au contraire, un milieu protecteur et convivial et des effectifs allégés pour des groupes-classes mixtes et hétérogènes sont les meilleures conditions pédagogiques moyennes, avec les moyens correspondants bien entendu …

Troisième point : que doit être la nouvelle organisation du « XXI° siècle » et pas des « XIX° et XX° » ? Il faut des « pôles de proximité renforcés ». Deux remarques essentielles s’imposent.

Et d’une : ce que les « pôles de proximité renforcés » doivent remplacer, c’est l’école communale. Ce n’est pas dit, mais ne nous y trompons pas !

Mais alors, si l’école communale est un archaïsme du XIX°° siècle, n’en irait-il pas de même de l’institution communale elle-même pour nos hauts fonctionnaires d’autorité – et la République, au fait, elle date de quel siècle ? Vraies questions …

Et de deux : « pôles de proximité renforcés », quel bel oxymore ! Car « pôle » veut dire qu’on a regroupé les classes sur une même commune. Donc qu’on a éloigné l’école des autres. Ce seraient donc, au vrai, des pôles de proximité diminuée, non ? …

Quatrième point : le confirme la reprise d’une antienne que nous connaissons en fait depuis maintenant trois décennies (le XX° siècle, pas le XXI° !!!), répété par tous les IA puis les DASEN à leur arrivée, à l’encontre des RPI de l’Allier qu’il faudrait absolument « concentrer ».

Il manque ici une réflexion, pourtant indispensable au pouvoir préfectoral et à l’aménagement du territoire, sur les raisons profondes de cette situation, qui n’est en rien une tare et pourrait même être considérée comme un atout : les Regroupements Pédagogiques Intercommunaux (RPI) dans l’Allier ne sont pas à proprement parler « dispersés », ils fonctionnent encore réellement comme des réseaux à caractère intercommunal, et donc coopératifs du point de vue des communes et des écoles – une situation qui reste d’ailleurs parfaitement réglementaire et prévue dans les textes de l’Education nationale. Si trente années de discours des DASEN et de propos préfectoraux dans les « Observatoires des dynamiques de la ruralité » n’ont pas convaincu, c’est peut-être que l’erreur n’est pas là où à l’air de la situer M. le préfet ? …

Puisqu’il nous parle « XXI° siècle », observons d’ailleurs qu’il manque une notion essentielle dans son propos : celle de réseaux. Réseaux intercommunaux, réseaux d’aide aussi (les RASED), réseaux d’échanges pédagogiques, réseaux de l’école inclusive, réseaux de lecture publique … sans oublier les réseaux de transports, où, justement, le tarif vient de passer pour les familles de zéro à 120 euros dans le second degré ! – de plus, la concentration et la « polarisation » auraient un coût écologique, un coût tout court, un coût en temps, et un coût en fatigues individuelles …

La réalité est que ce sont à la fois les écoles communales et le maillage territorial et de quartier, et les réseaux indispensables, qui sont mis à mal, au profit d’une injonction aveugle à la concentration et à la mobilité, véritable violence faite à de larges couches de la population rurale comme urbaine.

La réponse du XXI° siècle s’appelle : service public, école publique.

Nous en discuterons à Autry-Issards samedi prochain 11 octobre : l’entretien de M.  le préfet à la Montagne et cette première réaction syndicale de fond pourront y être abordés.