Il y a parfois des hasards objectifs : il n’est pas indifférent que celui qui fut le responsable national de la FEN (Fédération de l’Éducation Nationale) en charge de la Laïcité, puis des Droits et Libertés, nous tire aujourd’hui sa révérence, 10 jours après l’assassinat de Samuel Paty.

Louis Astre est resté toute sa vie le militant des Faucons rouges SFIO, des FTP et des Auberges de jeunesse qu’il fut en devenant un jeune militant conscient. Surveillant d’internat puis professeur d’économie dans l’enseignement technique, il fut le dirigeant national du SNET-FEN et mena sa fusion avec le SNES « classique et moderne », puis fut le dernier secrétaire national du SNES de tendance « Unité, Indépendance et Démocratie », tendance « réformiste » de la fédération, avant que les syndiqués ne votent majoritairement pour la tendance « Unité et Action », auparavant « cégétiste ».

Il fut le porte-parole de la FEN au meeting de Charléty en mai 68, le président du Comité National d’Action Laïque pendant les années 1970, et l’une des chevilles ouvrières de la campagne démocratique et internationaliste victorieuse, pour la libération du mathématicien ukrainien Leonide Pliouchtch, en 1976.

Cette figure historique de ce qu’était la FEN, parce qu’il était attaché à l’existence d’une fédération unitaire des personnels de l’enseignement public unissant ses syndicats nationaux de métiers, aspirant à la réunification du syndicalisme français dans une grande CGT indépendante et démocratique, et faisant vivre le droit de tendance et la pluralité dans l’unité, a pour ces raisons choisi clairement et hautement de continuer jusqu’au bout son militantisme syndical dans la FSU et le SNES-FSU, dont il fut une belle figure, partie prenante de notre identité fédérale, et premier organisateur de l’Institut de recherche de la FSU.

Je me rappelle de son intervention au congrès de 1999, lui, ce socialiste de la vieille école, la vraie, ulcéré contre Allègre et son monde, avec la fougue d’un orateur sorti des années trente. Pour avoir eu quelques discussions avec lui, brèves mais toujours lourdes de sens, je me permets ces quelques lignes. Louis Astre, « Loulou », était de ceux qui savent faire sentir ce qu’est transmettre une tradition émancipatrice : en la faisant vivre et pas autrement.

Chapeau bas et poing levé !

Vincent Présumey.

Photo Wikipédia.