Mardi 4 juin, le Collectif laïque et républicain constitué à Moulins (comprenant à ce jour de nombreux élus, la FSU, la CGT, PS, PCF, LFI, Place publique, RESF, la Ligue de l’enseignement …) a tenu une conférence de presse contre l’attribution de subventions publiques – massive : il est question de 175 000 euros ! – au spectacle de « Murmures de la cité », cheval de Troie de l’extrême droite en Bourbonnais. Depuis, comme disent les journalistes, « la polémique » enfle.

RN, Reconquêtes (Zemmour) et UDR (les « ciottistes »), Valeurs actuelles … y sont allés de leurs communiqués sur une ligne commune : des gauchistes wokistes veulent faire interdire un joli spectacle apolitique !

On entend aussi : « la seule chose qui les gêne c’est le soutien par la Fondation du Bien commun » (cette fondation est celle du milliardaire, exilé fiscal, libertarien catholique intégriste à l’instar des allumés de la Sillicon Valley comme Peter Thiel, qu’est Pierre-Edouard Stérin).

A la FSU, dès avril, c’est la simple annonce, sur les sites publics où elle a aujourd’hui disparue, du contenu du dit spectacle qui nous a inquiétés. Les faits sont établis, avec précision. A propos des idées, faisons un peu le point de manière approfondie pour dissiper les rideaux de fumée de ces messieurs.

Docteur Senet et Mister Polliste.

Le « chef » de « Murmures de la cité » est Guillaume Senet, qui se présente comme un gentil garçon du bocage, passionné d’histoire et amoureux du patrimoine, n’ayant d’autre aspiration que de réunir garçons et filles pour célébrer le joli passé de nos contrées, leurs châteaux, leurs chaumières, leurs écussons, en toute convivialité bourbonnaise ! Et de célébrer les « 200 familles du territoire » qu’il dit avoir fédérées !

Le dirigeant politique de Sophiapolis est Guillaume Polliste, théoricien des « racines », de la messe en latin plusieurs fois par jours, du lien communautaire, détenteur du Vrai, du Bon, du Beau, du Juste, du Droit, et du Pur – surtout du Pur.

Les deux Guillaume ne font qu’un et une certaine conception de ce qu’est le Bourbonnais, celle des exploiteurs, bien loin de ceux  qui, comme Emile Guillaumin, l’ont avec les ouvriers agricoles, les bucherons et les mineurs, chanté et sué, offre déjà une imagerie commune à « Murmures » et Sophiapolis :

Mais Guillaume (Senet) jure que Murmures est apolitique et n’aurait rien à voir avec Sophiapolis, même si ce sont les mêmes petits chefs de part et d’autre. Le jour, docteur Senet serait apolitique, laissant la sombre nuit avec ses feux et ses soutanes à Mister Guillaume !

Le récit de Murmures.

Faisons un instant abstraction de Sophiapolis et examinons le programme du spectacle de Murmures, dits « de la cité ».

Il était largement annoncé dans la présentation aujourd’hui retirée du net, ce qui nous avait permis de réagir, et il doit se décliner en 7 « tableaux » : une introduction avec « Géraud et Astrid », une victoire de Vercingétorix sur les Romains, le baptême de Clovis, les moines qui apprennent à lire au peuple, suivis des jolis cavaliers, de Jeanne d’Arc, et d’Anne de Beaujeu pour faire couleur locale, puis (tableau 5) les mousquetaires défaisant de vilains « gaillards », Colbert (relié bien sûr aux chênes de Tronçais et pas au Code noir esclavagiste !) et Villars, soi-disant « centurion de Louis XIV », ensuite la Révolution est esquivée au profit du « petit corse » qui a sauvé la France du gouffre où elle l’avait soi-disant entrainée, suivi d’un bal du second Empire (les nostalgiques vichyssois de Napoléon III applaudiront !), et des poilus de 14-18 ; pour finir Géraud et Astrid réapparaissent, avec une grand-mère qui, à l’occasion de la libération en 1944, affirme l’éternité de la France « guidée par la divine Providence ».

Sur la fin, comme nous ne doutons pas que les petits chefs de Sophiapolis et de Murmures nous ont lus et que nous avions alerté sur leur thème de la « résilience » de la France en … 1940, c’est sans doute 1944 qui servira d’alibi, mais en taisant toute sa dimension de guerre populaire, civile et internationale, contre les fascistes et les nazis.

Il est clair que nous avons affaire à de la mythologie, de type simpliste, distillée sous forme de « tableaux vivants ». L’histoire est une science, et cette science comme son enseignement n’ont rien à voir avec cela. Un exemple : les moines du haut Moyen Age n’ont pas appris à lire au peuple, ils ont hérité de la culture écrite qu’ils ont, avec les Arabes, contribué à préserver, mais en en excluant le peuple : la langue écrite pour toutes et tous n’aurait jamais été possible sans la révolution.

On a le droit de s’amuser à mettre des armures et des boucliers, et on peut comprendre les bénévoles qui comptent bien rigoler. Mais ils sont trompés et ceux d’entre eux qui ne sont pas des militants d’extrême droite ne peuvent que s’interroger. Car faire passer pour de « l’art » une mise en scène coûteuse, avide de fonds publics, portant sciemment, tout en essayant, mal, de le camoufler, un message idéologique radical, c’est tout autre chose !

L’explication de texte de Sophiapolis.

Le récit de Murmures est entièrement dépendant de l’explication de texte, de l’idéologie, de Sophiapolis, bien affichée sur son site.

Nous y avons l’apologie de la « France éternelle » où, comme l’a souligné d’ailleurs le communiqué de soutien à Murmures émanant de Reconquêtes, le catholicisme était religion d’Etat. La Révolution est dénoncée comme perversion et oppression. Le « Bien Commun » ou « ordre naturel » cher à M. Stérin (et bien que ces faux intellectuels n’aient qu’une maitrise très approximative de ses sources thomistes et aristotéliciennes, qui comportaient d’autres potentialités !) est explicitement mis au dessus des lois, au dessus de la République, et bien entendu au dessus de la démocratie  – s’il y a quelques « libertés fondamentales » dans la République, c’est parce que les royalistes l’ont imposé, est-il écrit !

Ils se disent chrétiens et s’en convainquent par des messes latines et des confessions à toute heure du jour et de la nuit, ainsi que par la croyance en la réalité des anges et des démons, thème de l’une des interventions, une autre dénonçant les mensonges … des francs-maçons ! Voyons leur interprétation de la notion de charité évangélique et d’amour universel :

 

C’est la charité bien ordonnée qui commence par soi-même, s’adresse d’abord, en fait exclusivement, à ceux dont on partage les prétendues « racines », et qui s’arrête et se transforme en haine meurtrière envers les « ennemis publics (hostes) », à savoir celles et ceux qui combattent cette idéologie au noms de valeurs humanistes, républicaines, voire chrétiennes.

Ce « christianisme » là est celui que prêche le vice-président US J.D. Vance, catholique converti. Il correspond à l’orientation politique des invités à l’université d’été de Sophiapolis : Bruno Gollnish, vieux copain de Le Pen père dont il partage toutes les orientations, Bernard Lugan, « africaniste », Jean-Yves Le Gallou, et allii : université d’été qui enchaine quasi directement sur le spectacle de Murmures et pour laquelle il est à craindre que ces figurants bénévoles au nom desquels prétend parler G. Senet soient traités comme un vivier de recrutement.

On aura compris quelle est la soi-disant « Cité » qui « murmure », d’où l’appellation codée « Murmures de la Cité » : c’est Sophiapolis (« cité de la sagesse »), cercle de sélection racialiste et nullement une cité grecque, encore moins une République !

Racialiste est en effet le vrai nom de l’idéologie qui, avec précaution, mots codés et pas après pas, est distillée ici  : la hiérarchisation de l’humanité. C’était aussi le message des saluts nazis d’Elon Musk et de Steve Bannon …

Et voici Zita !

Après le spectacle s’adressant aux masses (Murmures !), puis la sélection de l’élite endoctrinée (Sophiapolis), nos croisés du racialisme entendent ouvrir à Moulins, à la rentré 2026, une école privée hors contrat, dite « Cours Zita ».

Zita de Bourbon-Parme fut, par son mariage, la dernière « impératrice d’Autriche-Hongrie », auquel les conseils ouvriers à Vienne et Budapest ont mis fin en 1918. Elle a survécu jusqu’en 1987, avec une réputation de personne très croyante, dont se sont emparés les courants intégristes qui réclament sa canonisation, non actée à ce jour.

Bon, laissons reposer cette dame, et voyons qui dirige la campagne pour l’ouverture de cette école et avec quel contenu. Car voici, après Janus-Senet-Polliste, un second larron, répondant au patronyme de Florent Ly-Machabert (prononcer Lys, comme fleur de lys !), qui se présente comme un « économiste », expert en finance, rente et patrimoine, et qui intervient à l’université d’été de Sophiapolis sur le thème : A-t-on raison d’opposer économie financière et économie réelle ?

Cet économiste « libéral-conservateur », qui sur les blogs de la droite ultra appelle à des économies budgétaires radicales façon Milei et Musk, ne crache pas pour autant sur les déductions fiscales et les captations d’aides publiques : il préconise une finance intégrée à ce fameux « réel » peuplé d’anges et de démons dont on parle à Sophiapolis en juillet, une finance enracinée et pas cosmopolite, chrétienne et pas mondialiste, à travers son officine, Samarie & Cie, affichée comme financeur du cours Zita sur le site de celui-ci après … Murmures de la cité.

Quand au contenu, la vocation à l’endoctrinement des enfants est affichée ouvertement  : « foi, résilience et service » en seraient les piliers, avec l’ « anthropologie traditionnelle ». A la différence des écoles ouvertement crées par des structures de la galaxie Serin, Espérance Banlieue (sic !) et Excellence Ruralité (re-sic !), le public visé semble riche et pourvu en rente foncière : fauconnerie, escrime et équitation, comme à Murmures et comme à Sophiapolis, sont présentés comme étant au rendez-vous « pédagogique » !

Disons le : ce fanatisme « pédagogique » est très bien, trop bien connu. Il a donné deux, trois, de nombreux Bétharram …

Pitié pour les enfants !

 

Moscou, vous avez dit Moscou ?

Dans l’inénarrable et volubile communiqué du RN en défense de « Murmures » en date du 28 mai dernier, l’un des passages les plus amusants est sans conteste celui qui s’en prend à la FSU-Allier pour avoir dénoncé la captation de fonds publics par Murmures. Dès qu’il est question d’argent, ces messieurs sont émoustillés. Subventions publiques et crédits d’impôts sont les deux mamelles de ces ennemis des services publics et de la fiscalité !

Or donc, que dit le RN de la FSU-Allier ? Que  » … le soutien financier de l’URSS à la candidature d’André Lajoinie pour l’élection présidentielle de 1988 (…) les dérangeaient moins. » Et de se croire enfonçant le clou : « Entre le soutien financier d’un mécène privé et catholique ou celui d’un Etat totalitaire responsable de 100 millions de morts, nous assumons d’être davantage génés par cette seconde option. »

En 1988 la FSU n’existait pas, mais peu importe. Qui croit tromper le RN avec l’argent de Moscou ? Il est bien connu que s’il y a un parti aujourd’hui « moscoutaire », y compris en matière financière, c’est le RN !

En 2017 Marine Le Pen posait à côté d’une fresque, au local du RN, offerte par une « artiste » russe. Inutile de présenter les trois personnages, n’est-ce pas.

Guillaume Senet quant à lui, interviewé par une chaine youtube d’ultra-droite, a fantasmé le député communiste de Moulins (il dit juste « député communiste » et oublie toujours de dire « Moulins » !) … caché dans les buissons pour espionner ces fameux figurants bénévoles au nom desquels il prétend parler !

Outre que ceci dénote une aptitude illimitée au mensonge, de tels propos se veulent bien entendu dénonciateurs des crimes de masse commis au XX° siècle, dénoncés dans l’intitulé de la vidéo par la « journaliste » Clémence Houdiakova : « Le retour des méthodes staliniennes contre un projet culturel ! »

Or, il est facile de vérifier sur le net que cette propagandiste soutient activement la guerre de Poutine contre l’Ukraine, a fait une émission avec l’antisémite Dieudonné, bref, que nous sommes ici dans les bas-fonds des héritiers des deux cotés du pacte Hitler-Staline. Logique, puisqu’aujourd’hui nous avons l’axe Trump/Poutine !

La FSU-Allier, elle, ne touche pas d’argent pour soutenir la résistance ukrainienne !

Une extrême droite apolitique ?

On peut certes  rire de l’auto-proclamation « apolitique » de ces trumpo-poutiniste à la sauce racialo-intégriste. Totalement mensongère et hypocrite, évidemment. Toutefois, il nous faut comprendre l’élément de … sincérité, qu’elle comporte. Car c’est le plus grave.

Guillaume Senet, dans la même interview, après avoir joué au gentil Guillaume-du-bocage et s’être même dit un « humaniste épris de paix », défense de rire, finit par s’emballer un peu et, lancé, se réjouit que « Murmures …  » rassemble large, réalisant l’union des droites : UDR, Reconquêtes, RN, égrène-t-il avec fierté. La « journaliste » Houdiakova cherche à rectifier un peu, puisqu’il faut faire « apolitique », en prétendant recevoir des messages de « gens de gauche qui soutiennent Murmures », mais ce qui devait être dit l’a été : le spectacle de Murmures de la cité a pour fonction politique de réaliser l’union des droites dans l’Allier, donc d’y englober LR et l’URB, c’est Guillaume Senet qui l’a dévoilé.

Et cette union est … apolitique ! Hypocrisie ? Pas complétement. Car pour une grande partie de la droite extrême, ils ne font réellement PAS de politique. Tout simplement parce que pour eux la politique n’a pas lieu d’être, pas plus que la République et que la démocratie. Ceux qui discutent sont des méchants : il ne faut pas discuter. Cela explique aussi pourquoi ils croient qu’on veut les interdire : c’est ce qu’ils feraient, c’est ce qu’ils tenteraient de faire au pouvoir, sans aucun doute.

Vincent Présumey, secrétaire départemental de la FSU, Moulins, le 9 juin 2025.