Nous sommes un syndicat sérieux : donc, jusqu’à présent, nous avions d’autres préoccupations, celles des personnels de l’école publique laïque, celles des parents, celles des jeunes : carte scolaire, Parcoursup, AESH, tarifs des cantines et des internats, voilà de véritables sujets. Donc, ces histoires de blouses et de vêtements des filles obsédant certains milieux, nous n’en disions rien : autre chose à faire !
Mais voilà que la majorité du Conseil départemental de l’Allier présente à sa session de fin octobre (les mardi et mercredi 30 et 31) une proposition de vœux qui, s’il était adopté, ouvrirait les hostilités contre la laïcité dans notre département. Et nous pesons nos mots.
Il est proposé d’instaurer une « tenue scolaire unique aux couleurs du Bourbonnais » dans les collèges de l’Allier, exprimant une « mise en valeur de l’image du département développant ainsi un sentiment d’appartenance, d’attachement, et d’une fierté départementale. »
Très clairement, il est proposé l’instauration d’un vêtement identitaire et communautaire obligatoire à l’école publique sous le voile de la « laïcité ». Comme disait Victor Hugo parlant des cléricaux : « Ils forgent une chaîne, et ils l’appellent liberté » !
Ce costume bourbonno-communautaire devra-t-il arborer la quasi fleur de lys devenue le soi-disant logo d’un Allier rebaptisé de son nom provincial d’avant 1789 et ce bleu horizon aujourd’hui plus « catho tradi » que républicain ? Eh bien, ceci serait débattu en toute « concertation » avec les conseils d’administration et le Conseil départemental des jeunes – on ne leur demande pas de discuter le principe, mais de proposer couleurs et mise en pli ! Mon Dieu que c’est démocratique !
Bien entendu, ce fumeux projet est présenté comme relevant du « principe de laïcité ». Il s’inscrit dans le climat national orchestré autour du thème, notamment, des abayas, mais aussi … des crop-top. Le problème est que la V° République, depuis ses origines, contredit la loi laïque de 1905, qui sépare églises, sectes et religion d’une part, État et école d’autre part : elle subventionne les établissements religieux privés, et a logiquement connu de graves reculs devant les offensives antilaïques répétées des islamistes et de tous les cléricaux, ne respectant nullement les principes dont elle se réclame encore dans le préambule de sa constitution, le président s’affichant tout récemment pour une messe dans un stade, par exemple. Une République qui fait respecter la laïcité doit d’abord être une République laïque et une République respectable …
L’extrême confusion résultant de ces politiques est bien illustrée par le projet de vœu soumis au Conseil départemental de l’Allier. Laïcité, égalité et neutralité sont confondues avec uniformité. Pire : en prétendant vouloir écarter les distinctions par le vêtement, il se lance dans de telles distinctions et entreprend allègrement de définir un costume idéologique « bourbonnais » obligatoire, voulant régenter les consciences en leur inculquant par le jeu du costume obligatoire un « sentiment d’appartenance », un « attachement » et une « fierté » propres et distinctives.
« La République assure la liberté de conscience » – 1° mots du l’article 1 de la loi de 1905. La liberté de conscience englobe la liberté de religion sans s’y réduire. Aujourd’hui, en 2023, un uniforme ou quelque nom qu’on lui donne, à l’école, contredit ce principe. Ce n’est en rien un retour à une III° République qui de toute façon et quoi qu’on en pense ne reviendra pas, c’est une fuite en avant dans la réaction. Se lancer dans une telle « expérimentation », c’est ouvrir – délibérément ? pour faire diversion ? – la boite de Pandore des divisions et cela ne fera reculer aucune discrimination réelle, sociale, sexiste, religieuse, raciste, harceleuse.
L’horizon des éducateurs laïques est autre : il est celui d’un enseignement intégral, égal, pour toutes et pour tous, égales et égaux comme élèves et comme futurs citoyens dans leur diversité humaine assumée et respectée.
Le Conseil départemental veut s’illustrer nationalement par une grande mesure égalitaire et sociale, et donc laïque ? Qu’il interdise toute hausse de tarifs de cantines en cette période d’inflation et de dégradation des conditions d’existence du plus grand nombre !