Un tonnerre d’applaudissements lors du Discours de Vincent Présumey et des élus présents.
En effet, c’est aujourd’hui en présence des vices présidents du conseil général, Alain DENIZOT, Bernard POZZOLI, Pascal PERRIN et le député Guy CHAMBEFORT lors du rassemblement laïque pour fêter l’anniversaire de la loi de 1905 (Avec l’inauguration de la plaque de la laïcité et la plantation d’un arbre de la laïcité) que notre secrétaire départemental de la FSU a enflammé l’audience présente par la prestation d’un discours républicain, laïque et libertaire. Discours que vous pouvez retrouver ci-dessous.
République, Laïcité, Liberté.
Voila un fort message que nous assumons. Nous l’assumons en nous adressant à vous, citoyens, représentants du peuple, camarades, compagnons, frères, sœurs, amis … de quelque nom que l’on vous désigne, dans la République laïque et universelle nous sommes les uns envers les autres et les uns pour les autres des citoyens responsables, réunis ici pour commémorer, bien sûr, et commémorer sérieusement, donc pas simplement commémorer !
Nous sommes réunis pour agir, combattre, argumenter. L’initiative de cette plaque s’inscrit dans une campagne qui a commencé ce printemps, et qui se poursuivra, pour la défense de l’école publique, de la laïcité institutionnelle et, par là même, des libertés fondamentales, sans lesquelles un citoyen n’est pas un citoyen. Elle associe dans notre département, dans le cadre de l’Observatoire de la Laïcité, des organisations dont nous devons apprécier ensemble la diversité et la représentativité, sur des valeurs communes : parents d’élèves FCPE, Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale, , syndicats de l’éducation nationale avec la FSU, le SE-UNSA, l’UNSA-Education et la CGT-Educac’tion, Fédération Générale des Retraités de la Fonction publique, Ligue de l’Enseignement, et Grand Orient de France. Ce regroupement parce qu’il est divers est durable et appelé à s’élargir.
La laïcité qu’est-ce que c’est, nous demande t’on parfois. La définition est déjà dans la question : la laïcité n’est pas une recette fixe établie une fois pour toutes. On considère souvent qu’elle consiste dans la séparation des églises et de l’État, des églises et de l’école, et c’est tout à fait vrai et c’est à l’occasion de l’anniversaire de l’importante loi de 1905 que nous sommes aujourd’hui rassemblés. Mais si la laïcité implique la séparation institutionnelle entre la religion et les églises, d’une part, l’État et l’école, d’autre part, et repose sur cette séparation, c’est bien parce que la laïcité a un contenu qui par lui même ne se limite pas à cette question centrale. D’aucuns voudraient ramener la laïcité à l’expression d’un conflit supposé dépassé entre cléricaux et anticléricaux. Elle serait archaïque et sectaire. Seraient, par contre, modernes et modernistes, bougistes et branchés, les préfets qui inaugurent des lieux de culte et disent traiter « toutes les religions sur un pied d’égalité » et appellent parfois cela laïcité !
Seulement voila. Tout d’abord, le cléricalisme est toujours là, qui veut soumettre État et sphère publique à ses dogmes et à ses intérêts et qui par là même menace la vie privée des personnes de toutes religions ou sans religions. De plus, le cléricalisme n’est pas la seule menace contre la laïcité.
La laïcité, en quelques mots, est pour l’individu bel et bien un idéal, non pas au sens d’une norme à laquelle il faudrait se conformer, mais au sens d’un idéal régulateur vers lequel il est bon, souhaitable et d’ailleurs agréable et gratifiant, de tendre toujours sans prétendre l’avoir réalisé. L’individu laïque est celui qui recherche l’autonomie de la pensée, la souveraineté de la raison, l’indépendance d’esprit qui ne veut pas dire mépris des traditions et des sciences mais qui sait au contraire les prendre en compte, le libre arbitre effectif, toutes choses qui ne peuvent exister ou tendre à l’existence que dans le dialogue réel des consciences libres, libres par et dans leur confrontation et le choc des arguments contradictoires de celles et de ceux qui, en démocratie, veulent se convaincre mutuellement et exprimer des intérêts et des aspirations distinctes, et non pas « rechercher le consensus ». Cette notion de l’individu n’impose pas de normes ni de dogmes préalables.
Or, pour que les individus et les citoyens puissent se construire ainsi, pour qu’ils soient capables d’être libres, la laïcité exige une certaine conception de État et une certaine conception de l’école.
L’État laïque a pour forme la République, c’est-à-dire qu’il tend à être la chose commune de ses membres. Pour cette raison, une République n’est vraiment républicaine que si elle aide à ce que les citoyens qui la composent soient vraiment libres et donc aptes à la liberté. Elle doit donc s’interdire de les endoctriner, de les conditionner, de les tromper, et se donner pour rôle, par une saine coercition, d’interdire qu’on les conditionne, qu’on les endoctrine ou qu’on les trompe, en imposant aux religions, aux dogmes et aux modes, le statut, qui d’ailleurs les protège les uns des autres, de choses libres dans un cadre privé, dont les éventuelles expressions publiques doivent donc être encadrées par la loi qui protège la liberté de tous.
La République et son école n’ont pas de doctrine à inculquer -ni la religion, ni le culte de la performance, ni le fétichisme de la marchandise, ni l’athéisme, ni le consensus néolibéral, ni le matérialisme historique et dialectique, ni l’humanitarisme bien pensant, ni le nationalisme, ni l’œcuménisme « européen »- mais elles ont à veiller à ce que les églises, les entreprises, les partis, les médias et les lobbies ne puissent pas le faire non plus, afin de protéger la sphère privée et de rendre possible le débat public démocratique contradictoire. La démocratie existe à ces conditions.
C’est là un idéal régulateur. A ce jour, il n’a sans doute guère existé d’État qui définisse ainsi, et qui mette pleinement en pratique, une telle conception de son rôle. Mais ceci ne nous conduit pas à tout loger à la même enseigne. Entre les quelques pays au monde dans lesquels des pas ont été fait sur le plan du droit vers une conception laïque de l’État, et les trop nombreux régimes théocratiques, allant de la tyrannie pure et simple au consensus insidieux, il y a une différence profonde. La lutte des révolutionnaires français en 1789, en 1793, la Commune de Paris, les lois scolaires des années 1880 et la loi de séparation de 1905 forment un socle, qui fut réaffirmé en 1945, qui marque les relations sociales et individuelles dans notre pays. Ce n’est ni une exception, ni un privilège : ce sont des conquêtes. Et comme toutes les conquêtes sociales, aujourd’hui, elles sont attaquées par la loi du capital, qui ne veut rien d’autre que grossir et s’auto-valoriser à l’infini, tout privatiser sauf, en cas de crise, ses pertes que les États entreprennent de faire payer par les citoyens.
Nous avons aujourd’hui, disons-le, des gouvernants peu estimables qui ne sont que les faisant fonction de cette logique absurde qui est forcément antilaïque puisqu’elle ignore totalement ce que c’est qu’un sujet libre et responsable et ce que c’est qu’un citoyen.
A l’origine de notre regroupement et de notre action, nous avons réagi envers la politique, les déclarations et les actes, de l’actuel président de la République qui attaque directement, et consciemment, ces fondements laïques de la vie sociale et de l’existence individuelle durement conquis.
Monsieur Sarkozy veut sans doute s’inscrire dans la droite ligne des origines mêmes du régime qu’il tente de renforcer et de restaurer pleinement, cette V° République taillée pour le pouvoir personnel.
Nous aussi, nous renouons avec le serment du 19 juin 1960 qui, s’appuyant sur 6 millions de signatures, affirmait le refus des citoyens de tout financement public des cultes et de l’enseignement privé : fonds publics à la seule école publique, fonds privés à l’école privée -et notons que cela est déjà pour nous un compromis.
La logique de la loi Debré dont nous demanderons l’abrogation jusqu’à satisfaction, c’est de dire que l’instruction est un service qui peut être rendu par des institutions publiques comme par des organismes privés. C’est une logique à la fois cléricale et marchande, capitaliste. Or, M. Sarkozy dans son désormais tristement célèbre discours dit du Latran, est allé encore plus loin sur cette voie, puisqu’il y a précisé que pour former les consciences, un curé, un pasteur ou un rabbin valent nettement mieux qu’un instituteur !
Il suffit de faire l’inventaire des mesures prises insidieusement par lois, décrets ou règlements et de noter les prises de position officielles, pour mesurer l’étendue de l’entreprise de démolition de l’École publique républicaine depuis trois ans, dont le discours du Latran donne le contenu.
Pêle-mêle, on peut noter : la loi Carle, la suppression sans précédent des postes d’enseignants, la réforme des Lycées et la réduction des horaires en Primaire, les accords Kouchner-Vatican, la création des jardins d’éveil à titre onéreux, ouverts au privé, et les attaques contre l’école maternelle, le projet d’Établissements Publics d’Enseignement Primaire, la suppression de la formation des maîtres, la suppression de la carte scolaire…….
Ce n’est pas par hasard, c’est un symbole et plus qu’un symbole, si nous sommes aujourd’hui réunis dans l’enceinte de l’IUFM. L’existence d’un cadre institutionnel distinct de formation des maîtres de l’enseignement public n’est pas une chose anodine que des lois pourraient faire ou défaire, c’est une conséquence nécessaire des fondamentaux de la laïcité, de la République et de la liberté. Le saccage organisé de la formation des enseignants, la façon dont des jeunes voient saccager leur vocation, sont autant d’attentats contre la République.
C’est ce programme qui a été caché à l’électorat des présidentielles sous les termes de « réforme de l’État » puis de « Révision Générale des Politiques Publiques », qui signifie en réalité pour l’Éducation, privatisation, mise en concurrence du service public, mise « en marché » de l’école au bénéfice du privé, distribution de milliards d’euros aux établissements privés, tout en brimant le secteur public et en réduisant ses moyens matériels et humains.
Pour nous, seule l’École publique, laïque et gratuite, crée le lien social indispensable pour faire face aux défis d’un monde en crise.
Alors comme ça, le combat laïque serait défraîchi et périmé ?
Rappelons, car ce n’est pas très connu en dehors des intéressés, que le denier du culte est déductible des impôts -aux termes de la loi sur le mécénat de 2003.
Informons, à propos de la loi Carle, que suite au tollé déclenché en 2004 chez les maires ruraux car elles obligeait les communes de résidence, même si elles avaient une école sur leur territoire, à financer la scolarisation des élèves dans les écoles publiques et privées hors commune, un « apaisement » avait été adopté : les communes ne devaient financer que si elles n’avaient pas d’écoles publiques sur leur territoire. Apaisement déjà très relatif, puisqu’il maintient la volonté de faire payer les communes dans certains cas en faveur d’écoles privées situés en dehors de leur territoire. Mais le décret d’application du 11 novembre dernier prévoit que la dite capacité d’accueil serait « appréciée uniquement sur le territoire de la commune de résidence de l’élève et non pas par rapport à l’ensemble des écoles du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) dès lors que celui-ci n’est pas adossé à un établissement public de coopération intercommunale chargé de la compétence scolaire. ». Ceci équivaut soit à faire payer les petites communes qui participent à des RPI déconcentrés en se partageant les différents niveaux de classes entre elles, en ne prenant pas en considération la capacité d’accueil de tout le RPI, soit à les pousser à abandonner leur compétence scolaire pour aller vers une seule école par communautés de commune –un établissement public d’enseignement primaire et non plus une école communale
Nous avons ici une politique cohérente, qui vise d’une part à supprimer des postes et à fermer des classes, et en même temps à briser la relation entre écoles primaires ou maternelles et communes, dans la perspective de ce remodelage des collectivités locales appelé « réforme territoriale ». Ces mesures mettent en oeuvre ce qu’annonçait la révision constitutionnelle de 2003 ayant pour auteur M. Raffarin : une « République décentralisée », menaçant l’égalité des citoyens devant la loi, devant le service public, devant l’impôt, et la laïcité. Tout se tient.
Tout se tient : ce sont les tenants de la même politique, c’est le même président, qui a désigné, pour la première fois dans ce pays depuis 1940, un groupe ethnique comme coupable collectivement d’atteintes à l’ordre public et à la sécurité et a organisé une punition policière collective avec la campagne d’expulsion des Roms. Déni du droit, inégalité devant la loi, invocation de critères subjectifs pour son application (l’origine, et bientôt l’ « ethnie » et la religion ?). Ces limites ont été franchies par l’actuel président. Ce sont là les limites que la laïcité, condition de la liberté, exigent que l’État se les donne pour être, rester ou redevenir républicain.
En défendant la laïcité, nous défendons la liberté et la République. Lors du dernier Conseil Départemental de Éducation Nationale, notre préfet de police départemental, interpellé par diverses déclarations préalables tant sur le récent conflit social à propos des retraites (qui n’est pas terminé) que sur une demande d’information à propos du financement de l’enseignement privé catholique sous contrat dans l’Allier, a jugé bon de développer des considérations sur le fait que ce n’est pas la rue qui fait la loi, ceci à propos des retraites, bien évidemment. Mais ce fut pour expliquer la seconde d’après que de grandes manifestations avaient eu lieu pour défendre l’enseignement privé et que le temps « des inventaires » était révolu. Deux poids deux mesures : d’un côté on ignore la volonté majoritaire quand ce sont des grèves et des manifestations qui l’expriment, de l’autre on invoque des manifestations de rues (datant de 26 ans, et dépassée par d’autres plus nombreuses pour la laïcité depuis, mais peu importe en l’occurrence) quand il s’agit des privilèges conférés par l’État à des institutions cléricales et privées. Ceci est tout à fait caractéristique de la conception bonapartiste, privative et non républicaine de l’État à laquelle nous avons affaire aujourd’hui.
Plus actuel que jamais, le combat laïque vaut décidément la peine d’être mené.
Vive la République, vive la liberté, vive la laïcité !