Les partisans de la démocratie, des libertés publiques et politiques et de la laïcité dans l’Allier et au -delà, et donc les syndicalistes, ne sauraient prendre à la légère le fait suivant : le camp « de formation » de l’Action Française se tient actuellement au château de Fourchaud, sur la commune de Besson (non loin de Moulins), appartenant au prince Charles-Henri de Bourbon-Parme-Lobcowicz.

Notons que ce château a été rénové suite à la restauration de la toiture sur fonds publics par la DRAC (La Montagne du 25/06/18), le domaine patrimonial et immobilier du « prince » suscitant – à juste titre – l’intérêt des pouvoirs publics et des élus pour sa valeur historique voire son potentiel touristique. La tenue du camp estival d’une organisation clef de l’extrême-droite cadre-t-elle bien avec de telles possibilités ?

L’Action Française, fondée en 1899, phare de l’antidreyfusisme antisémite et antirépublicain, est l’organisation qui a fait le relais, en France, de l’extrême-droite à « l’ancienne », aristocratique et cléricale, à l’extrême-droite « moderne », c’est-à-dire fasciste puis « populiste ». Elle a été le modèle de toutes les « Ligues » de l’entre-deux-guerres et donc de la collaboration, et fut la matrice du pétainisme. Les idées de son théoricien, Charles Maurras, centrées sur la prétendue restauration d’une communauté nationale organique dans laquelle individus et organisations sont intégrés et soumis au « bien commun », et dont les éléments dénoncés comme exogènes, juifs ou étrangers, sont retranchés, permet cette synthèse et ces transitions. La haine de la Gueuse, de la République, de l’école publique, du syndicalisme laïque, en est un fil conducteur.

Reconstituée après 1945, l’AF forme alors une sorte de boite à « idées » et d’école de formation pour le FN devenu RN aussi bien que les réseaux « Zemmour » ou « Philippot » et au-delà. La tenue de son « camp » dans l’Allier fait écho à la réapparition, depuis ce printemps, de groupes fascistes violents en France.

Les camps estivaux de l’Action Française sont dédiés, et celui-ci ne fait pas exception, à Maxime Real Del Sarte, le chef des Camelots du Roy, groupes de combats violents ayant constitué en France le modèle des milices fascistes. Il accueille officiellement des « jeunes » de 15 à 35 ans du lundi 20 au dimanche 27 août ainsi que des « familles » les 24-27 août. Une série d’intervenants sont annoncés.

Jean-Paul Gourévitch, polygraphe devenu un démographe autoproclamé ayant découvert que le « nombre de musulmans » dépasse déjà tout ce qu’on pourrait imaginer en France, parle ce lundi de la « crise migratoire », thème central par lequel est ouvert le « camp ».

Mardi, les dirigeants de l’AF Yves Margery et Benoit Dakin parlent de la « crise institutionnelle ».

Mercredi, place aux poutiniens : Nikola Mirkovic, pour qui le Kosovo est par essence serbe et le Donbass russe, et l’ancien diplomate françafricain Dominique Decherf (« La politique étrangère n’est pas un sentiment » : tout un programme !), causeront « géopolitique » et « monde multipolaire », c’est-à-dire partage du monde entre impérialismes. Le soutien à la Russie contre l’Ukraine est ici tout à fait clair, notons-le bien.

Jeudi, Yannick Jaffré cause des « Gilets jaunes » : pour illustrer sa compétence en la matière, il est bon de savoir que cet autre poutinophile – auteur d’un opus titré Vladimir Bonaparte Poutine, ça ne s’invente pas : nos monarchistes sont des gens ouverts, Bonaparte est réhabilité chez eux sous le nom de Poutine ! – est en croisade, le brave homme, contre le « cauchemar néo-féministe » et a découvert son paradis à Moscou, où le 8 mars n’est pas une « terne commémoration de l’égalité », mais une « célébration sensuelle de la différence sexuelle » ( frisson dans le membre du Bonaparte !).

Jaffré est aussi un dirigeant du « collectif Racine », qui racole pour le RN en milieu enseignant (puis, semble-t-il, plutôt pour Philippot) en tentant, sans grand succès il est vrai, de détourner le mécontentement des personnels envers les « réformes » destructrices. Avec lui, Henri « Letigre », vieux dirigeant de l’AF – et admirateur déclaré de Margaret Thatcher : quand on vous dit qu’ils ont l’esprit large !

Jeudi, attention, le niveau monte ; ça va causer « crise anthropologique », avec un héroïque spadassin « anti-Woke », le suisse David l’Epée, et un valeureux croisé de la Famille (et du Travail, et de la Patrie …), le vieil Hilaire de Crémiers.

Sous les ors du château de Fourchaud, nous avons là une Sainte Alliance politique, car le premier, rédacteur en chef de la revue Krisis, représente les cercles de la déjà fort ancienne « Nouvelle Droite » néopaïenne, avec des connexions du côté des néonazis à la Soral, et le second aimerait passer pour un croisé de la contre-révolution catholique blanchi sous le harnais.

Aujourd’hui comme hier, l’Action Française sert à ça : chevaliers du Christ Roi et énervés du marteau de Thor, le tout se voulant de haute culture – des « Anthropologues » !

Enfin, conclusion vendredi avec le théoricien de « l’écologie intégrale et royale » (sic), Jean-Philippe Chauvin, dont un petit tour sur le net nous apprend qu’il a eu l’idée de génie qu’il faudrait « déplacer les populations à la campagne » (Pétain y avait pensé …). Ce thème est stratégique : le RN est en train de rôder son « écologie de la frontière », car quoi de plus écolo qu’une frontière, mon petit monsieur ?

Tout a commencé lundi par le danger migratoire, tout se termine donc vendredi par la pureté du sol et du sang, en toute écologie intégrale, royale, et certainement pas féministe pour un sou, ou alors … à la Russe !

Notons enfin que les illuminés dangereux de la secte très mal nommée « Riposte laïque », que nous connaissons bien dans l’Allier pour les avoir conduits à renoncer à manifester contre les migrants à Varennes en 2014, et qui, suite à cette déculottée, ont alors lancé des menaces de morts contre plusieurs d’entre nous, défenseurs des droits et syndicalistes, n’ont pas diffusé d’appel à participer au rassemblement estival de l’AF cette année, à la différence des années précédentes. Mais signalons qu’en 2021 « Riposte laïque » écrivait : « Après Génération Identitaire abusivement dissoute, l’Action Française relève le gant pour des actions de terrain. »

« Actions de terrain » veut bien sûr dire : agressions violentes. C’est donc une telle pépinière, si l’on peut dire, qui se rassemble pendant une semaine dans l’Allier, hébergés dans une des demeures de M. de Bourbon-Parme-Lobcowicz. Quiconque trouverait cela anodin se tromperait lourdement …

Vincent Présumey, pour la FSU-Allier.

La photographie illustrant cet article provient du site de la commune de Besson, https://www.besson.fr/patrimoine-et-tourisme/roseraie/