Face au péril inédit de l’extrême droite, les acteurs et actrices de la société civile se sont mobilisés comme jamais pour des élections politiques. Des dizaines de milliers de personnes, militantes ou non, se sont impliquées dans la campagne, ont tracté ou fait du porte-à-porte pour la première fois de leur vie. Une part importante de la population a consacré du temps et de l’énergie, mis de côté tout le reste, affronté des débats violents dans leur famille ou avec leurs collègues… Des syndicats, associations ou personnalités de la société civile se sont exposés en appelant à voter. Bref, citoyens, citoyennes, organisations syndicales, associatives, collectifs, nous sommes montés au front.
Quel soulagement au soir du 7 juillet quand, contre tous les pronostics, l’extrême droite a été battue et le Nouveau Front populaire est arrivé en tête ! Nous avons réussi ce que tous les sondages et les politologues disaient impensable. Enfin, nous allions gagner un débouché à nos luttes sociales, féministes et environnementales ! Nous avons maintenant un message très simple à adresser aux dirigeants du Nouveau Front populaire : ne nous décevez pas. Soyez à la hauteur des espoirs et des attentes de la population.
Bien sûr, les difficultés sont immenses. Bien sûr, Emmanuel Macron et le patronat font tout pour empêcher la mise en place d’un gouvernement conforme au choix des urnes. Mais vous avez été capables de vous réunir en vingt-quatre heures, de vous mettre d’accord sur un programme en quelques jours. Alors, vous pouvez être capables de proposer un gouvernement commun.
Pour des ministères de combat
Si tel n’était pas le cas, vous devrez assumer vos responsabilités. La colère, la désillusion et la démobilisation des électeurs et des électrices seront immenses. Nos luttes s’en trouveront durablement affectées. Et, à la fin, il y aura un seul vainqueur : l’extrême droite, qui, avec ses alliés, pourra encore une fois se proclamer comme seule alternative au macronisme. Nous ne pouvons pas ouvrir les portes du pouvoir au fascisme.
Nous ne souhaitons pas – nous n’avons d’ailleurs aucune légitimité en la matière – dire qui doit être première ou premier ministre. Mais nous affirmons que le choix que vous ferez doit permettre la meilleure application du programme que nous avons soutenu.
Nous voulons des ministères de combat sur les questions sociales, pour enfin affronter le patronat et changer le rapport de force pour les salariés en abrogeant la réforme des retraites, en augmentant les salaires, en instaurant enfin l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, en relocalisant l’industrie, en luttant contre la pauvreté et l’exclusion. Nous voulons des ministres en capacité d’affronter les plus riches et les dirigeants des grandes entreprises pour redistribuer les richesses et financer nos services publics.
Nous voulons des ministres qui ouvrent des perspectives de progrès avec une grande loi-cadre contre les violences sexistes et sexuelles, un engagement sans faille pour l’égalité entre les hommes et les femmes et une lutte résolue contre le racisme, l’antisémitisme, les LGBTphobies et toutes les formes de discriminations, ainsi que contre leurs promoteurs. Nous voulons un gouvernement qui réconcilie enfin progrès social et progrès environnemental.
Nouvelle méthode
Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête, mais il ne représente qu’une majorité relative. C’est une difficulté de plus, bien sûr. Mais cela peut aussi permettre une nouvelle méthode, en rupture avec l’autoritarisme d’Emmanuel Macron. Il va falloir inventer une démocratie parlementaire qui n’existe pas afin que des lois puissent être adoptées, et s’appuyer sur les syndicats, les associations et la société civile pour trouver des majorités dans le pays. Nous sommes prêtes et prêts à organiser des mobilisations de conquête, pour enfin gagner du plus au lieu de chercher à empêcher le pire.
Le temps presse. Chaque jour perdu est un jour gagné pour l’extrême droite. Le spectacle des divisions partisanes donné ces derniers jours provoque la colère des citoyennes et des citoyens qui ont pris leurs responsabilités pour barrer la route à l’extrême droite. Il n’y a plus de place pour les ego ou les intérêts partisans.
Nous, acteurs et actrices de la société civile, sommes convaincus de vivre un tournant pour notre démocratie, et nous pouvons ensemble construire une société réconciliée. Une société qui concrétise sa devise : « Liberté, égalité, fraternité ».
Parmi les signataires : Swann Arlaud, acteur ; Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT ; Julia Cagé, économiste ; Cyril Dion, auteur et réalisateur ; Sarah Durocher, présidente du Planning familial ; Eric Fassin, chercheur ; Sara Forever, artiste ; Judith Godrèche, actrice ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace ; Dominique Méda, économiste ; Anna Mouglalis, actrice ; Dominique Sopo, président de SOS-Racisme ; Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’homme ; Benoit Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire ; Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac