Le moment présent.

L’ampleur aggravée des suppressions de postes et leur effet d’accumulation sur plusieurs années, vont faire de la question de la carte scolaire, de la défense du service public national et laïque d’éducation, une question centrale de la vie sociale et politique des premiers mois et des premières semaines de l’année 2011.

La presse écrite est d’ailleurs en train de s’en rendre compte. Pour le gouvernement Sarkozy-Fillon, tenaillé par les agences financière de notation qui exigent le « remboursement de la dette publique », c’est la suite du programme de destruction accélérée du service public, de l’emploi stable et du salaire socialisé (retraites, Sécu), dans lequel, malgré la vive résistance sociale, il a franchi une étape cet automne avec sa contre-réforme contre les retraites.

La bataille qui s’engage maintenant est la suite de celle que nous avons perdue cet automne. Elle va mobiliser des collègues, des parents, des citoyens et des élus locaux qui, en septembre-octobre, ont participé aux manifestations de masse mais n’ont pas réalisé, comme bien des militants syndicaux et des sections locales ont tenté de les y entraîner, une grève générale effective qui aurait pu seule être victorieuse -ouvrant ainsi une crise politique dont manifestement l’intersyndicale nationale ne voulait pas. Assurément, si nous avions gagné la bataille précédente, nous serions mieux parés pour celle qui commence puisqu’en fait nous aurions pour le moins mis KO ce gouvernement. Mais rien n’est joué. Ce gouvernement et, on peut le dire, ce régime, sont minoritaires et pratiquent la fuite en avant. Une lâme de fond peut se lever dans tout le pays pour la défense des enfants, des jeunes, de l’école et du service public. Syndicalistes de l’enseignement, nous avons une responsabilité : faire de la question de la défense de l’école (et des services publics) la grande bataille du début de l’année 2011 -et, au passage, l’arrière-plan obligé des élections cantonales …

Les suppressions de postes au niveau national.

La loi de finance pour 2011 votée au parlement le 15 décembre, a décidé la suppression de 16000 ETP (équivalents temps plein) dans l’Education Nationale.

Il en découle la suppression officielle de 3367 postes dans le premier degré « une fois prise en compte la résorption des surnombres » selon les termes du ministère. Décryptage : cela fait en réalité 8967 suppressions. Les « ‘surnombres » étaient les collègues non partis en retraites en raison de la contre-réforme Fillon de 2003. Le tout pour 8900 élèves en plus.

Dans le second degré, ce sont 4800 postes supprimés pour 48 500 élèves en plus.

A ces suppressions de postes d’enseignants s’ajoutent ceux de 600 emplois d’administratifs (35 dans l’administration centrale, 533 dans les académies, 32 « à déployer en cours de gestion 2011 » …).

Il convient d’ajouter à tout cela la suppression, au budget du ministère de l’Agriculture, de 244 postes dans l’enseignement agricole pour un nombre d’élèves prévu équivalent (alors que Bruno Le Maire, ministre, avait parlé en septembre d’un moratoire sur les suppressions ! ).

N’oublions surtout pas, en outre, d’ajouter que la réforme des collectivités locales récemment votée et la crise organisée des finances locales vont probablement avoir des répercussions sur les emplois et sur les statuts (recours aux contractuels) des anciens personnels TOS, devenus agents des départements dans les collèges ou des régions dans les lycées.

Déshonneur rectoral.

La répartition académique des suppressions a été mise au point entre le ministère et les recteurs dans le cadre de ce qu’ils appellent un « dialogue rénové de gestion pour la mise en oeuvre du schéma d’emploi 2011-2013″, équivalent de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) pour l’Education. En termes plus simples : le pouvoir central communique le nombre de postes à supprimer et les recteurs choississent lesquels. La volonté de non transparence dans ce qui va en résulter est ouvertement affichée : Luc Chatel déclare, textuellement, qu’il « n’y aura aucun cumul des remontées des recteurs » donnant à voir les suppressions par catégories, et que « Les grandes lignes des gisements d’efficience ne seront pas connues » (sic).

C’est la « gouvernance » dans toute sa gloire : le pouvoir central ne veut soit disant pas savoir les « détails », il ordonne de faire des coupes.

« Je vous dit combien de frappes vous avez à effectuer, vous répartissez les dégâts collatéraux ».

C’est naturellement dans ce cadre que s’explique la hausse de la prime accordée aux recteurs : ces messieurs perçoivent une indemnité annuelle de 9040 euros « pour charge administrative » et, jusque là, une « prime de fonction et de résultats » de 19 000 euros. Celle-ci sera modulée de 15 200 à 22 040 euros en fonction des « résultats », c’est-à-dire de la traque à ces « gisements d’efficience » dont parle M. Chatel. A noter que le recteur d’Ile-de-France est l’un des 9 fonctionnaires les mieux payés du pays, sa part salariale fixe restant inconnue …

Petit Proconsul Préposé à la Destruction du Service Public : Recteur, un titre de déshonneur

Vincent Présumey (secrétaire départemental FSU Allier), fin décembre 2010.