Lettre ouverte de la FSU 03 aux trois députés de l’Allier.

Vichy, le 15 octobre 2012.

La FSU Allier à M.M. les députés Gérard Charasse, Guy Chambefort, Bernard Lesterlin.

La FSU de l’Allier prend l’initiative de s’adresser publiquement à vous, députés ayant été élus en juin 2012 contre l’ancienne majorité qui soutenait l’ancien président Sarkozy, auteur de très nombreuses attaques contre les droits sociaux, contre l’école publique, la démocratie et la laïcité.

Vous avez été élus, sans aucun doute, portés par une aspiration au changement maintenant, à la prise en compte des besoins sociaux ,et au respect de la démocratie et de la laïcité.

Vous venez de voter favorablement sur le TSCG et sur la loi organique concernant les budgets qui le met en œuvre. Ce vote sur un texte élaboré par le précédent président avec la chancelière allemande nous semble en contradiction avec ces aspirations car il impose, ainsi que la presse le rappelle et que le gouvernement le souligne, le budget «

 le plus rigoureux » que la France ait paraît-il connu. Ce caractère « rigoureux » concerne, chacun l’aura compris, le monde du travail et les services publics, pas le capital financier. Celui-ci, bénéficiant depuis trois décennies de la déréglementation financière et de mesures de défiscalisation, et tout en imposant une vague de suppressions d’emplois, est le principal bénéficiaire du paiement de la dette « publique ».

Par conséquent, le budget actuellement en discussion au parlement confirme cette nouveauté datant de 2011 : le premier poste est le service de la dette « publique », pas l’Education nationale.

Nous entendons bien que celle-ci est censée être moins maltraitée que d’autres services publics et nous prenons acte, comme une conséquence a minima de la défaite de N. Sarkozy aux élections présidentielles, de la fin du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite dans ce ministère. Nous tenons toutefois à préciser :

- que sur les 43 450 postes supplémentaires annoncés, 22 100 correspondent au remplacement des départs en retraite et 21 350 sont offerts à un concours supplémentaire qui, si les candidats l’obtiennent, n’en fera pas des fonctionnaires mais des enseignants précaires à tiers-temps avec un demi-salaire, de sorte qu’en équivalent temps pleins les 43 450 postes mis au concours se traduisent en réalité par 8781 postes d’enseignants et d’autres personnels.

- que rien ne garantit qu’ils seront pourvus car il faut qu’il y ait des candidats et que ceux-ci soient admis, ce qui suppose de restaurer l’attractivité des métiers de l’éducation en matière salariale et en termes de conditions de travail et d’image : on en est loin, d’autant que toute mesure salariale est pour l’heure écartée comme pour les deux précédents budgets.

- que ces chiffres englobent la part de l’enseignement privé sous contrat.

Et surtout que ces chiffres sont très, très loin de compenser les coupes sombres de ces dernières années, tant parmi les professeurs (par exemple les professeurs de lycées professionnels ont perdu 11 000 postes, 17% du total ! ) que parmi les emplois d’administratifs, d’auxiliaires de vie scolaire, d’assistants sociaux, de médecins et d’infirmières.

Par ailleurs les « emplois d’avenir professeurs » annoncés seraient des emplois de droit privé risquant de servir de bouche-trous dans les services d’enseignement pour un revenu moyen n’excédant pas 900 euros pas mois.

Telles sont les principales raisons pour lesquelles le budget en l’état actuel ne répond ni aux besoins sociaux, ni à nos revendications et propositions comme organisation syndicale, ni surtout aux aspirations au changement qui vous ont fait élire.

Il augurerait mal de la future loi d’orientation qui, telle qu’elle se dessine, repose sur les mêmes fondements budgétaires et reprend les perspectives du gouvernement précédent. On y retrouve en effet : le socle commun de la maternelle à la fin du collège reposant sur des livrets de compétences orientés sur l’«

 employabilité » et non sur les connaissances et les qualifications, la poursuite de la « réforme du lycée », la poursuite de la suppression d’une année d’enseignement pour les bacheliers professionnels avec évolution vers le mixage des publics adultes et jeunes, apprentis et lycéens, et la régionalisation de l’orientation et de la carte des formations … Ces évolutions, qui ne rompent en rien, bien au contraire, avec celles du gouvernement Sarkozy-Fillon, ne vont pas dans le sens de la restauration d’un service public national et laïque ni de l’égalité des citoyens sur tout le territoire.

Nous attirons tout particulièrement votre attention sur le décret pris le 30 septembre créant un corps interministériel des assistants de service social des administrations de l’Etat, par lequel les Assistantes sociales de l’Education nationale (et des autres ministères) seraient gérées dorénavant par une plate-forme relevant du ministère des Affaires sociales, avec possibilité de mutualisation entre ministères mettant en danger l’intégrité des missions de service social aux lycéens, aux étudiants et aux personnels déjà fortement privées de moyens ; ainsi que sur un projet de décret par lequel les infirmières ne seraient plus de l’Education nationale, mais relèveraient d’une coordination interministérielle lui échappant. Ces deux décrets portent un nom, ils étaient prêts avant le 6 mai dernier : il s’agit de la RGPP, contre laquelle vous avez à juste titre fait campagne.

Il nous semble que l’abrogation des lois et décrets pris sous le quinquennat Sarkozy serait le préalable élémentaire à un véritable changement. Outre celles auxquelles il a été fait allusion ci-dessus, ceci concerne aussi la loi anti-grève dite du « service minimum » dans les écoles.

Enfin, alors que l’on parle beaucoup de « morale laïque » et sans rentrer ici dans le débat quand au caractère laïque ou non d’un enseignement sur « le bien » et « le mal », nous nous étonnons que l’on puisse l’envisager tout en maintenant les lois antilaïques détournant les fonds publics vers l’enseignement privé ou garantissant des statuts dérogatoires au droit commun.

Telles sont les raisons, M. le Député, pour lesquelles notre organisation syndicale pense qu’il serait courageux, démocratique et conforme aux raisons de votre élection, que vous vous opposiez à ce budget, afin de créer les conditions d’un réel changement maintenant et d’éviter de cruels lendemains. Ce serait à notre avis responsable et constructif : n’appartient-il pas à la représentation nationale d’exercer pleinement son pouvoir législatif ?

En tout état de cause, nous sommes prêts à vous rencontrer pour discuter de cette situation et vous faire part des préoccupations des personnels que nous représentons.