FSU Auvergne.

Quelques arguments sur la « dette publique » et le « remboursement des déficits ».

On nous dit : « Il y a une dette à rembourser, c’est votre dette, la dette publique, issue des emprunts de l’Etat pour payer ses dépenses. Maintenant l’heure est venue, il faut combler les déficits. Vous ne pouvez pas laisser ce fardeau pour vos enfants, le moment est venu de faire des sacrifices ! « .

Ce discours d’intimidation est purement et simplement mensonger. Démonstration.

Premièrement, quand vous empruntez pour acheter une maison ou une voiture, vous n’émettez pas des titres côtés en bourse qui représentent votre dette, n’est-ce pas ?

Les Etats, si. Et depuis très longtemps, depuis Venise au Moyen Age. La seule période où ce système a été moins employé est celle des « trente Glorieuses », après la catastrophe de la crise de 29, du nazisme et de la guerre : en ce temps là la « dette publique » était descendue à environ 20% du Produit Intérieur Brut (PIB) français. A partir des années 1980, surtout en France depuis la déréglementation boursière de 1986, l’émission de titres financiers représentant la dette des Etats est à nouveau la règle.

Les titres de la dette publique circulent sur les « marchés financiers » dont ils sont une composante essentielle. Nos impôts paient les intérêts de ces titres dont la durée avant extinction de la dette est souvent très longue. Pour les rembourser les Etats, qui spéculent eux-mêmes sur ces produits, rachètent d’autres titres, et ainsi de suite : ils font ainsi « rouler » la dette. En France en 2010, pour payer une semaine de dépenses publiques, soit environ 5 milliards d’euros, dont l’impôt ne couvrait déjà plus que 3 milliards, il fallait déjà remprunter non pas la différence de 2 milliards, mais 12 milliards sur les marchés financiers afin de faire en même temps « rouler » la dette, faute de quoi le financement de l’Etat – avec la paye des fonctionnaires- cesse !

Les préteurs initiaux ont depuis longtemps récupéré le principal de leur dette en spéculant sur leurs titres. Il ne s’agit pas de braves pères de familles, mais d’anonymes « investisseurs institutionnels », capitalistes financiers gérant massivement l’argent des autres : Hedge Funds, Mutual Funds, mégabanques …

Deuxièmement, l’augmentation de la « dette publique » n’est pas du tout parallèle à celle des dépenses publiques utiles, école, santé, environnement et aménagement du territoire, qui ont quant à elles « décroché » depuis les années 1980-1990 par rapport à la hausse budgétaire globale et à la démographie. En France, la corélation est patente avec :

- l’indemnisation des nationalisations après 1981,

- la loi de programmation militaire de 1987,

- et la montée du service de la dette elle-même, les intérêts à payer.

Même chose au niveau mondial : l’explosion de l’endettement public n’accompagne pas la montée des services publics scolaires et de santé, mais va au contraire avec leur démantellement et leur privatisation, ainsi qu’avec l’explosion des dépenses militaires des Etats.

Ce ne sont pas les écoles et les lits d’hôpitaux qui sont à l’origine de la « dette publique » !

Troisièmement, la baisse de l’impôt sur le revenu (surtout depuis 1997 en France) au profit de l’emprunt et des privatisations, a abouti à un taux d’imposition des plus riches (tranche supérieure) comparable à la Grande-Bretagne de Thatcher et Blair selon le Syndicat National Unifié des Impôts, en même temps que l’évasion fiscale s’est systématisée.

Le produit de l’impôt sur le revenu est aujourd’hui inférieur aux quelques 50 milliards que représente le service annuel de la dette.

Comme ces baisses proportionnelles d’impôts ont avantagé les plus riches, il s’ensuit que ce sont en partie les mêmes qui ne paient plus l’impôt mais qui prêtent à l’Etat lequel leur paie les intérêts, et qu’il nous faudrait aujourd’hui, nous les salariés, « rembourser » !

Quatrièmement, la « dette publique » de la France a récemment explosé, passant d’environ 60% à environ 80% du PIB, sous Sarkozy, en raison du sauvetage du système bancaire fin 2008.

Tous les Etats européens et nord-américains ont alors pris en charge les dettes douteuses des grandes banques, ayant pour cause la spéculation et la surrévaluation des valeurs boursières. C’est précisément cela qui a engendré la crise des dettes publiques de plusieurs pays européens, Grèce puis Irlande, Portugal, Espagne, Italie … et bientôt France.

En quoi consiste cette crise ?

En ce que ces pays ont de plus en plus de mal à payer les intérêts des titres de leur « dette ». L’inquiétude de leurs « créanciers », les entreprises capitalistes financières, conduit alors le Fonds Monétaire International et la Commission Européenne à leur imposer des plans d’austérité :
- recul de l’emploi public,

- recul de l’âge de la retraite,
- privatisations massives,

- hausse drastique des impôts indirects sur les biens de consommation courante.

La récession économique qui s’ensuit amène les Agences de notation à abaisser leur note de crédit, faisant hausser les intérêts dus. Résultat : plus on rembourse, plus il faut rembourser !

L’ « aide à la Grèce » ne vise pas à aider la Grèce, mais les grandes banques créancières, dont, en France, la bande des 3 : Société Générale, BNP-Paribas et Crédit Agricole.

La France, avec ses quelques 1600 milliards de « dette publique », est en train d’entrer dans cette spirale, comme le montre l’écart, encore faible comparé à celui de la Grèce, mais croissant, des taux de ses titres par rapport à ceux de l’Allemagne, et le prix des contrats d’assurance sur sa dette, les CDS (Credit Defaut Swaps, qui circulent eux-mêmes sur les marchés financiers).

Un rappel utile : la réforme Sarkozy-Woerth contre nos retraites a justement été faite pour éviter une première dégradation de la « note de crédit » de la France …

Résumé : la « dette publique » est un pilier de la finance capitaliste, dont la hausse depuis trente ans ne provient pas de celle des dépenses publiques socialement utiles, mais a au contraire accompagné le recul des services publics et celui des recettes publiques fondées sur l’impôt, particulièrement l’impôt sur le revenu.

Conclusion : cette dette n’est pas celle des salariés ni celle des services publics utiles, il n’est donc pas légitime que ce soient eux qui la paient. D’une façon générale, elle n’est pas légitime, car on ne doit pas se faire d’illusion : si Mm. Bettancourt payait la dette, ses conseillers et amis trouveraient bien un procédé pour la faire retomber sur ses salariés et sur la population !

Mais alors, il ne faut pas payer ? Mais alors c’est l’isolement économique, la fin de la fiabilité des contrats … la fin du monde ! ?

Allons allons, du calme. Si on voulait bien chiffrer le nombre de non paiements de leur dette extérieure auxquels se sont livrés … les Etats-Unis depuis cinq décennies en manipulant les cours du dollar, on verrait que ne pas payer son soi-disant « dû » est loin d’être une pratique exceptionnelle de la part de ceux-là même qui aujourd’hui nous font la morale … Un contrat léonin passé dans notre dos en notre nom serait-il légitime ?

« Vous ne pouvez pas laisser ce fardeau pour vos enfants, le moment est venu de faire des sacrifices ! »

Au contraire : c’est justement en ne les faisant PAS qu’il est possible de ne pas laisser un fardeau indû à nos enfants, et pas autrement.

Faut-il risquer ruiner les Mutual Funds et peut-être même Mm. Bettencourt ou faut-il mettre à coup sûr l’école, la santé, les services publics, à feu et à sang ?

Des solutions existent, fort simples, reposant sur le rétablissement massif de recettes publiques par l’impôt progressif sur les revenus et permettant le rétablissement massif de la dépense publique utile pour l’école, la santé, l’environnement et la recherche, et des services publics rétablis et étendus qui vont avec !

Voila pourquoi nous devons refuser le diktat et le dogme de la « dette ».

Voila pourquoi le mouvement syndical en France et en Europe n’a aucune raison d’accepter le principe du « remboursement des déficits ». Ne nous lions pas les mains !