La FSU Allier revendique et revendiquera la réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple de la guerre de 1914-1918. Parce qu’il s’agit de l’exigence la plus élémentaire de démocratie et de vérité. Parce que notre fibre syndicaliste s’enracine dans celles et ceux qui furent les adversaires de la guerre et de l’union sacrée : les Pierre Monatte, les Marie Guillot, les Lucie Colliard, les Louise Saumoneau et autres militants de la vieille CGT et de la vieille Fédération Unitaire de l’Enseignement. Elle appelle donc à être présent au rassemblement de Rocles de ce 12 novembre 2022.

Mais, pour la première fois depuis 11 rassemblements organisés à Rocles à l’époque du 11 novembre auxquels elle a pris pleinement part, devant le monument aux morts de cette commune où il est inscrit « Apprenons à supprimer la guerre », la FSU Allier se trouve placée dans l’impossibilité de cosigner le texte d’appel à ce rassemblement, base politique sur laquelle il est organisé, et donc de prendre part en tant que telle aux prises de paroles et d’en cautionner le contenu politique, tout à fait étranger à la revendication de réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple de 1914-1918, à notre grand regret. S’il est possible, et d’ailleurs souhaitable, dans certaines limites, que les prises de parole expriment une certaine diversité, elle se situent néanmoins dans le cadre fixé par le texte d’appel.

Or, celui-ci affirme qu’il y a, actuellement, « guerre mondiale ». Sa lecture ne laisse aucun doute sur la nature supposée de cette guerre mondiale : son responsable n°1 est censé être les Etats-Unis et l’OTAN, dont toutes les puissances européennes sont qualifiées de « supplétives ». On se croirait en 2003 lors de l’invasion de l’Irak, alors qu’à présent c’est l’armée russe qui envahit l’Ukraine. Cette invasion est condamnée formellement dans cet appel, mais très clairement comme un fait second par rapport au fait principal qui serait la guerre des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Russie, et, pratiquement, contre le monde entier. C’est là précisément ce que raconte Poutine pour justifier son invasion. Le peuple ukrainien ? A lire ce texte, il n’existe pas !

En 1914 les internationalistes et les révolutionnaires ont proclamé à juste titre : « Cette guerre n’est pas notre guerre ». Mais quand il s’est agi de défendre la Russie contre les interventions étrangères et le blocus, en 1918, l’Espagne républicaine contre Franco, en 1936, les peuples d’Europe sous la botte nazie en 1938-1945, le peuple algérien contre le colonialisme français en 1954-1962, le peuple vietnamien contre les Etats-Unis en 1964-1975, ces guerres étaient nos guerres, et c’est cela, la tradition internationaliste. C’est aussi cela, le vrai pacifisme : car supprimer ces guerres et apprendre à les supprimer, comme dit le monument de Rocles, exigeait que les envahisseurs impérialistes, colonialistes ou fascistes soient stoppés et repoussés. Si eux étaient contraints à arrêter le combat, la guerre s’arrêtait. Si leurs victimes l’arrêtaient, elles étaient détruites et la guerre continuait.

Il en est ainsi en Ukraine : si l’armée impérialiste russe est contrainte à arrêter le combat, il n’y a plus de guerre. Si l’Ukraine arrête le combat, il n’y a plus d’Ukraine et il y a de nouvelles guerres. Les pacifistes, les internationalistes, les révolutionnaires, les syndicalistes et les démocrates conséquents, tous les vrais héritiers de Liebknecht et de Brizon, ne demandent donc pas un « cessez-le-feu immédiat » qui signifie occupation et déportation des populations dans le tiers de l’Ukraine, mais le retrait des troupes russes de la totalité du territoire ukrainien. Ils n’appellent pas du beau nom de « pacifisme » une prise de position en réalité belliciste et anti-ukrainienne.

La FSU soutient la manifestation qui sera organisée le 10 décembre prochain, vers l’ambassade russe, sur ce mot d’ordre de retrait total des troupes russes de toute l’Ukraine, seul mot-d’ordre de paix dans la situation présente. Elle a dans un conseil national unanime exigé que Maksym Butkevych, militant anarchiste, pacifiste et antimilitariste engagé dans l’armée ukrainienne et capturé par les troupes russes, ait la vie sauve et soit traité comme un prisonnier de guerre. Ces combats d’aujourd’hui sont en cohérence totale, eux, avec l’exigence qu’en France, tous les fusillés pour l’exemple de 1914-1918 soient réhabilités au nom de la République. Toutefois, il ne nous viendrait pas à l’esprit, à nous, de vouloir les imposer à quiconque demande cette réhabilitation …

Le combat de ceux d’entre eux qui se sont mutinés est notre combat, comme est aujourd’hui notre combat la résistance ukrainienne armée et non armée, le refus de millions de Russes d’être mobilisés et les actions de résistance en Biélorussie. Leurs mutineries étaient nos mutineries, la guerre impérialiste n’était pas notre guerre. Aujourd’hui, la guerre de Poutine et les plans des grandes puissances ne sont pas nos guerres ni nos plans, et la résistance ukrainienne est notre combat. C’est aussi pour cela que, oui, plus que jamais, il faut imposer la réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple de 1914-1918 !