Demain dimanche, il se passe plein de choses. A 11h 30 devant la préfecture, toutes les forces politiques gouvernement en tête appellent à faire « nation unie » contre l’antisémitisme. A 10h à Rocles, devant le monument aux morts où il est dit « Apprenons à supprimer la guerre », se tient le rassemblement traditionnel pour la réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple de 14-18.

La FSU est pleinement dressée contre l’antisémitisme et a participé au premier plan pendant onze ans aux rassemblements de Rocles.

Cette année, elle en a soigneusement été tenue à l’écart par ses organisateurs : il se trouve qu’avant de signer un appel, nous le lisons (est-ce bien le cas de tout le monde ?), et que ceux-ci font du thème des fusillés pour l’exemple, comme des hommages à Pierre Brizon, l’occasion d’imposer toute leur ligne politique sur le monde actuel qui, de fait, tend à préférer un camp impérialiste, celui de Poutine, aux impérialismes occidentaux dominants. Nous sommes pour notre part contre l’union sacrée, et nous nous inscrivons dans la tradition pacifiste véritable qui reconnait aux opprimés le droit de s’armer et de se battre : nous ne sommes donc pas pour désarmer les ukrainiens, au contraire. Mais il ne nous serait, à nous, jamais venu à l’idée de faire de la signature de nos positions la condition pour se rassembler pour la réhabilitations des fusillés pour l’exemple !

Contre l’antisémitisme, la FSU 03 se félicite que plusieurs organisations syndicales et ouvrières nationales aient participé au rassemblement commémorant les pogromes de la nuit de cristal, jeudi dernier à Paris, et elle condamne énergiquement les pogromes commis par le Hamas le 7 octobre, qu’elle ne confond pas avec le peuple palestinien soumis par l’armée israélienne et les colons aux crimes de guerre et contre l’humanité. Il est permis de s’interroger sur la sincérité d’appels à une « nation unie » englobant l’extrême-droite antisémite et servant de fait à la réinsérer dans un « arc républicain » autoproclamé. Notre République à nous, laïque, démocratique et sociale, est celle qui combat réellement racisme et antisémitisme.

Il se trouve que le Réseau Éducation Sans Frontières a appelé depuis deux semaines à un Cercle de solidarité à 11h place de la Liberté à Moulins, sur des revendications précises, locales – la régularisation de plusieurs familles parfaitement « intégrées » – et nationales –  le refus d’une énième loi contre les migrants qui n’apportera aucune sécurité et contribuera à porter atteintes aussi bien aux droits humains fondamentaux qu’au droit du travail.

Alors, il n’y a pas à hésiter : choisissez la sincérité et l’absence d’ambiguïté. Sans ambiguïté pour la réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple de 14-18, cause qui n’est la propriété privée d’aucune organisation, parti, secte ou association ? Sans ambiguïté contre l’antisémitisme, contre tous les racismes bien entendu, tout en comprenant la spécificité de l’antisémitisme ? Et en menant une action concrète à la fois locale et nationale ?

Rendez-vous avec RESF place de la Liberté, Moulins, 11 h !

 

Maksym Butkevych, anarchiste ukrainien, défenseur des migrants, antimilitariste, engagé au nom de ses idées dans l’armée ukrainienne en mars 2022, prisonnier depuis juin 2022, torturé et condamné à « 13 ans de prison à régime sévère » pour des motifs imaginaires, dont nous sommes actuellement sans nouvelles.

Nous reproduisons ci-dessous, pour compléter cet article, le discours tenu par le maire de Commentry ce matin 11 novembre en inaugurant une plaque commémorant le 150° anniversaire de l’écrivain pacifiste Henri Barbusse :

Du sang et des larmes ; des corps brisés, des esprits mortifiés ; une génération de notre Pays et de ce Monde sacrifiée ; Et tant de veuves, et tant d’orphelins.

Mesdames, Messieurs, La Première Guerre mondiale, cette grande boucherie humaine a conduit au tombeau 10 millions d’hommes, 1 million 700 000 français. Commentry se souvient de ses enfants, victimes de la guerre, ainsi que le proclame notre Monument aux Morts. Notre Ville n’oublie pas le sacrifice de ses 263 Commentryens, tombés au « champ d’horreur ».

Henri Barbusse, dont nous commémorons cette année le 150e anniversaire de la naissance, écrivait à son épouse, le 14 mai 1915 : «  Il est 2 heures du matin. Il faut partir. Le retour s’effectue comme le départ : on piétine, on s’entasse, puis on galope dans la boue, les trous d’obus, les convois, les brancardiers, les blessés au bord du passage. Parfois, une odeur caractéristique – et on doit s’écarter devant des pauvres êtres étendus, les pieds roides, les bras crispés, la tête pleine de sang caillé ou la poitrine défoncée : il y a là des Allemands et des Français. On est éclairé par les éclats brusques des canons à tous les coins de l’horizon. Les coups sont si nombreux que l’éclairement est presque continu. (…) Enfin, au petit jour, on arrive à la ferme où se centralisent le service des travaux et le service sanitaire. Ça sent le phénol et le mort. On empile des cadavres dans des voitures ; d’autres attendent patiemment dans un abri qui est là ; harassés, on voulait s’y blottir, dans cet abri, et on a buté sur les pieds roidis du premier. Il pleut. On se laisse tomber sur le bord de la route. On est livide de fatigue et de poussière. Les capotes ne sont plus bleues, mais jaunes, et les souliers sont également jaunes et ont la forme de mottes de terre. »

Voilà la guerre : froide, dure. Henri Barbusse, croix de Guerre, prix Goncourt 1916 pour son œuvre « le Feu », tiré de son expérience au front où il s’engage en 1914, à 41 ans, est donc bien placé pour en faire le récit. Le 20 juin 1915, toujours dans sa correspondance de guerre, il écrit : « On me donnera la croix de guerre dès qu’il y en aura en quantité suffisante. (…) Tout cela est très joli, mais il ne faut pas y attacher plus d’importance que de raison. Ceux qui ont fait un acte brillant et, par chance, utile, n’ont pas tant de mérite que ceux qui, depuis le début de la campagne, on accompli sans manquement l’énorme, écrasant et terrible labeur du simple soldat. Ceux-là, soyez-en certaine, sont vraiment des héros magnifiques, car je sais ce que ce pur et simple travail signifie de misères, de souffrances, de sacrifices et d’abnégation réelle. D’autant plus que cette interminable dépense d’héroisme s’accomplit pour des causes que je persiste à trouver vagues, sans attaches avec le profond de nous-mêmes et, en réalité, contraires à notre destinée humaine. »

Plus tard, le 14 avril 1916, voilà une autre lettre à sa compagne : « Quand on vient nous dire : c’est l’Allemagne qui a attaqué, on a raison. Mais quand on ajoute que nous étions des petits saints qui honoraient et pratiquaient le pacifisme et que jamais – oh mon Dieu! – nous n’avons eu des idées de revanche et de triomphes militaires et que jamais nous n’avons commis vis-à-vis de l’Allemagne le moindre acte d’hostilité et de provocation – on «attige un peu la cabane » comme on dit ici. La crise actuelle est l’aboutissant logique et fatal des vanités nationales, et que chacun en prenne sa part de responsabilités. J’ajoute qu’elle sera, dans un temps donné – dans dix ans, dans vingt ans – suivie d’une autre guerre qui achèvera la ruine en hommes et en argent du vieux monde – si d’ici-là les peuples qu’on mène à la boucherie ne prennent enfin la simple et logique résolution de se tendre la main les uns les autres à travers les préjugés des traditions et des races, malgré les désirs des gouvernants et à travers toutes les stupidités de l’orgueil belliqueux, de la gloire militaire et des malhonnêtes calculs commerciaux des nations pour prospérer en empêchant, par la force et le brigandage, l’expansion du voisin. »

Barbusse déjà, parlait d’une nouvelle guerre à venir. L’humiliation du traité de Versailles, et le développement du nazisme et du fascisme allaient servir de terreau à une nouvelle terreur, alors que les peuples espéraient que la Première Guerre soit « la der des ders ». « Contraire à notre destinée humaine », la guerre l’est, sans conteste. Il n’y a rien de beau dans la guerre, il n’y a qu’un terrible et hideux drame humain, fait de noirceur, de violence et de mort. Rien ne saurait la rendre civilisée. « Maudite soit la guerre », « guerre à la guerre » : ce cri, qui fut celui de Barbusse et de maints combattants, restés marqués par les atrocités du feu, doit s’imposer à nous, dans ce nouveau siècle de bouleversement et de dangers.

Face à la crise climatique, qui va accentuer les risques d’affrontements pour la survie et les mouvements de migration, comme les souffrances des plus faibles ; à la crise républicaine, démocratique, qui impose d’urgence de retisser le pacte social entre les citoyens ; face à la menace des forces obscures de toutes sortes, qui sèment la mort et veulent imposer la peur au Monde : en gardant la mémoire de nos aînés, avec comme bannière notre devise de Liberté, d’Égalité et de Fraternité, nous avons la tâche fondamentale de construire la paix véritable et pérenne, dans le développement partagé et la coexistence.

Notre monde est déchiré par la guerre, de l’Ukraine jusqu’à Gaza. Je pense aux populations civiles prises au piège, je pense tout particulièrement aux victimes du Hamas ; aux otages israéliens et à leurs familles. Je pense aussi aux Gazaouis, pris sous le feu de la force. Que les armes se taisent, que les peuples se parlent, que les oppresseurs, les fauteurs de haine, tombent. Davantage qu’un souhait, c’est une exigence implacable à laquelle le devoir nous appelle collectivement de répondre, Pour qu’en France et sur toute la planète, vive la République, et vive la Paix.